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Donald Trump, propos guerriers, hésitations militaires

Adepte des propos guerriers et des menaces apocalyptiques, Donald Trump est aussi un grand pourfendeur des interventions militaires américaines, une…

Adepte des propos guerriers et des menaces apocalyptiques, Donald Trump est aussi un grand pourfendeur des interventions militaires américaines, une tension mise en lumière de façon spectaculaire par l’annulation de dernière minute des frappes aériennes contre l’Iran.

Le dossier iranien, qui a atteint un nouveau pic de tension après la destruction par Téhéran d’un drone américain, place dans une lumière crue les tiraillements – voire les contradictions – du milliardaire propulsé au pouvoir sans la moindre expérience politique ou diplomatique.

Jeudi, il a défendu sa décision de reculer au dernier moment – « 10 minutes avant la frappe » – par sa volonté d’éviter une décision disproportionnée par rapport à une attaque dans laquelle aucun Américain n’avait perdu la vie.

Mais la séquence de ces derniers jours, qui pourrait être l’un des moments-clés de sa présidence, suscite des interrogations sur sa stratégie, son approche des dossiers géopolitiques complexes.

Toujours très attentif à sa base électorale et à ses promesses faites lors de sa campagne victorieuse de 2016, Donald Trump répète que les guerres à répétition au Moyen-Orient ont beaucoup trop couté aux Etat-Unis, humainement comme financièrement.

« J’ai dit que je voulais sortir de ces guerres sans fin, j’ai fait campagne là-dessus », rappelait-il encore jeudi dans le Bureau ovale.

Mais, de tweets impulsifs en discours officiels, le tempétueux président de la première puissance mondiale a souvent recours à une rhétorique très guerrière.

Après avoir promis « le feu et la colère » à la Corée du Nord, il a menacé l’Iran de destruction pure et simple. « Si l’Iran veut se battre, ce sera la fin officielle de l’Iran. Plus jamais de menaces à l’encontre des Etats-Unis! », tweetait-il mi-mai.

Le président vante une stratégie en rupture avec celle de ses prédécesseurs qui, couplée avec une hausse du budget militaire, pourrait contraindre les ennemis de l’Amérique à négocier pour de bon. Certains observateurs et nombre d’opposants politiques s’inquiètent des risques de dérapage.

« Le président n’a peut-être pas l’intention d’entrer en guerre mais nous craignons qu’il ne bascule par maladresse dans la guerre », soulignait jeudi le leader des démocrates au Sénat, Chuck Schumer.

« Il est indécis. Il n’a pas de véritable stratégie », tranche de son côté Robert Guttman, de la Johns Hopkins University.

– Parallèle avec Obama ?-

Pour Robert Malley, président de l’International Crisis Group, Donald Trump est, sur le dossier iranien plus que tout autre, tiraillé entre « l’instinct de prudence, et l’instinct de quelqu’un qui aime apparaitre comme l’homme fort, qui ne se laisse pas bousculer ».

« Il ne veut pas vraiment être un guerrier mais mais il ne veut pas non plus être perçu comme quelqu’un qui craint la guerre », explique à l’AFP cet ancien conseiller de Barack Obama.

Autre paradoxe: Donald Trump qui a toujours moqué l’indécision de son prédécesseur, et fait de la rupture avec ce dernier sa marque de fabrique, fait désormais l’objet de comparaisons avec Barack Obama pour sa réticence à avoir recours à la force.

« Si le président Obama avait fait respecter cette ligne rouge qu’il avait lui-même tracée, le désastre syrien serait terminé depuis longtemps! », avait tweeté Donald Trump en 2018.

Après avoir annoncé que les Etats-Unis étaient prêts à frapper des cibles du régime syrien après une attaque à l’arme chimique, le président démocrate avait, à la stupeur générale, fait machine arrière.

Le 44e et le 45 président ont incontestablement des visions du monde très différentes mais partagent le même constat: l’engagement militaire des Etats-Unis au Moyen-Orient n’a pas porté les fruits promis par ceux qui l’ont défendu.

Sur ce thème, ils font écho à une lassitude réelle chez nombre d’Américains face à des interventions extérieures aux contours flous et au calendrier imprévisible.

Reste, en filigrane, la question de la stratégie à moyen terme de Donald Trump face à la République islamique, après le retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, négocié par l’administration Obama.

Pour Robert Malley, l’ancien homme d’affaires de New York applique une théorie similaire face à l’Iran, le Venezuela ou la Corée du Nord: propos guerriers, pressions économiques et diplomatiques maximales et une promesse, martelée sur tous les tons: « Si vous êtes prêts à accepter nos conditions, la porte est ouverte à une relation extraordinaire avec les Etats-Unis. »

Mais que devient cette stratégie « binaire » si elle bute sur une impasse, s’interroge l’expert. Que devient la stratégie du président américain « si la pression, plutôt que de modérer la réaction iranienne, ne fait que la radicaliser, comme c’est le cas » ?

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