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Ekrem Imamoglu, le maire déchu d’Istanbul qui défie Erdogan

Quasiment inconnu il y a seulement quelques mois, le maire déchu d'Istanbul Ekrem Imamoglu s'est imposé comme le champion d'une…

Quasiment inconnu il y a seulement quelques mois, le maire déchu d’Istanbul Ekrem Imamoglu s’est imposé comme le champion d’une opposition longtemps incapable d’entailler l’armure du président Recep Tayyip Erdogan.

Avec ses lunettes rectangulaires, son flegme et ses chemises blanches boutonnées jusqu’au col, M. Imamoglu n’a pas l’air franchement menaçant.

Mais en remportant d’une courte tête l’élection municipale à Istanbul le 31 mars, un vote annulé depuis dans des conditions controversées, cet homme âgé de 49 ans a mis fin au mythe de l’invincibilité dans les urnes du parti présidentiel, l’AKP.

Quel que soit le résultat du nouveau scrutin, dimanche, M. Imamoglu s’est imposé aux yeux des observateurs comme l’étoile montante de la politique turque, capable de défier le chef de l’Etat lors de la prochaine présidentielle, prévue en 2023.

Diriger la mairie d’Istanbul, capitale économique et démographique de la Turquie, permettrait à M. Imamoglu d’affirmer sa stature politique. C’est ce même mandat d’édile d’Istanbul (1994-1998) qui a permis à M. Erdogan de s’imposer sur la scène nationale.

Mais pour l’instant, celui qui se décrit comme « le maire élu d’Istanbul » compte bien récupérer le siège qu’il n’a pu occuper que pendant 18 jours avant l’invalidation de son élection.

Lors d’un entretien avec l’AFP le mois dernier, il promettait une « révolution » démocratique, décrivant la bataille pour la mairie d’Istanbul comme « un combat pour la démocratie » en Turquie.

– « Tout ira bien » –

Dans un paysage politique polarisé où l’invective est la règle, M. Imamoglu détonne par son ton posé et son discours rassembleur.

« M. Imamoglu n’a pas fait campagne sur des bases idéologiques afin de s’adresser à tous les électeurs, s’abstenant de polariser l’électorat », souligne Berk Esen, professeur associé à l’université Bilkent, à Ankara.

Alors que l’annulation de sa victoire a suscité indignation et colère parmi ses partisans, M. Imamoglu a choisi de faire campagne sur un message rassurant. Son slogan : « Tout ira bien ».

La victoire de M. Imamoglu lors du premier scrutin, avec une courte avance de quelque 13.000 voix sur son principal opposant Binali Yildirim, a surpris les observateurs, tant les conditions de campagne étaient inéquitables.

Face à un opposant bénéficiant d’une couverture écrasante de la part de médias pour la plupart aux ordres du pouvoir, M. Imamoglu a misé sur les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille.

Alors que peu d’observateurs croyaient en ses chances avant le premier scrutin, M. Imamoglu, dégageant une assurance tranquille, déclarait que son statut d’outsider était sa plus grande force.

– Fan de football –

Né en 1970 à Trabzon (nord-est), sur les bords de la mer Noire, M. Imamoglu a étudié l’administration des affaires à l’Université d’Istanbul, avant de décrocher un Master en management, selon sa biographie officielle.

Il travaille pour l’entreprise de construction familiale avant de se lancer en politique il y a une dizaine d’années sous la bannière du CHP. En 2014, il est élu maire de Beylikdüzü, un district d’Istanbul.

M. Imamoglu partage avec le président Erdogan une passion pour le football, sport qu’il a pratiqué au niveau amateur avant d’intégrer la direction du club de sa ville natale, Trabzonspor.

Son profil « couteau-suisse », à la fois membre du parti kémaliste CHP et musulman pratiquant, a permis à M. Imamoglu de séduire au-delà de la base sociale-démocrate et laïque de sa formation politique.

Concentrant autour de sa personne une étonnante synthèse politique, M. Imamoglu est également soutenu par le parti nationaliste Iyi et le parti prokurde de gauche HDP.

Signe que pour lui, l’annulation du premier scrutin n’est qu’une parenthèse dans son ascension politique, il n’a pas modifié sa biographie sur Twitter où il se décrit ainsi : « Ekrem Imamoglu, maire de la municipalité métropolitaine d’Istanbul ».

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