InternationalAFP




Elections en RDC: « machine à voter », un an de polémiques

Elles sont à l'origine d'un nouveau report des élections, après avoir divisé l'opposition congolaise et suscité des réactions jusqu'au Conseil…

Elles sont à l’origine d’un nouveau report des élections, après avoir divisé l’opposition congolaise et suscité des réactions jusqu’au Conseil de sécurité des Nations unies: les « machines à voter » sont au coeur du processus électoral depuis plus d’un an en République démocratique du Congo.

A l’origine, la « machine » fabriquées par une société sud-coréenne se présente comme une technique de vote retenue par la Commission électorale (Céni) pour alléger le coût financier et logistique des élections.

Pour convaincre ses visiteurs, le président de la Céni Corneille Nangaa a son rituel: déployer les immenses bulletins papier des élections de 2011 comprenant des dizaines de noms (pour les élections locales).

« Pas d’élections sans machine à voter », répète-t-il.

– Des drôles de machines –

En février, la Céni dévoile le fonctionnement des drôles de machine: l’électeur introduit un bulletin cartonné dans la fente d’un écran tactile.

L’électeur clique sur le nom et la photo des candidats aux élections présidentielle, législatives et provinciales.

Puis il valide, imprime et récupère le bulletin de vote à glisser dans l’urne avant un comptage manuel.

Au total, la Céni prévoit d’acheter 107.000 machines à la société sud-coréenne pour ses quelque 80.000 bureaux de vote.

Immédiatement, le débat devient politique, avec une confusion entre une imprimante et un vote électronique.

L’opposition antiprésident Kabila dénonce « une machine à frauder, à voler, à tricher », non prévue par la loi électorale.

Les opposants trouvent un soutien de poids avec l’ex-représentante des Etats-Unis aux Nations unies, Nikki Haley: « Nous sommes très préoccupés de voir l’insistance (en RDC) à vouloir utiliser un système électronique de vote », déclare-t-elle en février.

Un tel recours représente « un risque colossal » et les Etats-Unis souhaitent l’utilisation « des bulletins papier pour qu’il n’y ait pas de doutes sur le résultat », avait ajouté Mme Haley, qui a démissionné depuis.

– Aucune garantie –

En avril, la commission électorale coréenne prévient aussi qu’elle n’apporte ni « soutien officiel » ni aucune « garantie » à son homologue congolaise sur l’utilisation des machines fabriquées par la société Miru System.

Au fil des mois, la communauté internationale tempère ses critiques. La Grande-Bretagne accepte une expertise technique des machines.

En septembre, les experts de l’organisation britannique Westminster Foundation for Democracy formulent 15 recommandations, par exemple « désactiver » le dispositif des communications externes (carte sim et Wifi) pendant les opérations de vote.

En octobre, le Conseil de sécurité des Nations unies en visite à Kinshasa souhaite « un consensus » autour de la machine à voter d’ici aux élections encore prévues le 23 décembre.

Des paroles pieuses. Le débat politique redouble, d’autant que la « machine » de toutes les polémiques divise l’opposition.

Le candidat du parti historique UDPS, Félix Tshisekedi, se résigne à des élections « avec ou sans machine », pour accélérer, dit-il, le départ du président Kabila.

L’outsider Martin Fayulu maintient l’ambiguïté pendant des semaines: pas de boycottage, mais pas de machines à voter. Le pouvoir l’accuse de vouloir saborder le processus électoral.

M. Fayulu ne sort de l’ambiguïté que très récemment: il refuse le « vote électronique », et reconnaît que « ces machines peuvent servir pour d’autres tâches, telle l’impression des bulletins de vote ».

Leur vocation initiale d’après la Céni.

A l’aube du 13 décembre, une épaisse fumée noire monte dans le ciel de Kinshasa.

Un incendie dans un entrepôt de la Commission électorale a brûlé 8.000 des quelque 11.000 « machines » destinées à la capitale, selon la Céni.

Une semaine plus tard, le président de la Commission électorale annonce un report des élections d’une semaine en raison de cette incendie.

Les machines brûlées – que personne n’a jamais vues – ont été remplacées en puisant dans des stocks à l’intérieur du pays, mais pas les bulletins de vote qui vont avec.

« Il a donc fallu en commander auprès du fournisseur en Corée du Sud », a assuré M. Nangaa, avançant le chiffre de cinq millions. « Le dernier lot ne peut arriver qu’au soir du samedi 22 décembre ». Trop tard pour organiser des élections le 23 décembre.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne