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En Centrafrique, sensibiliser grâce au cinéma ambulant

Dans la nuit noire de la forêt équatoriale de Bayanga, dans le sud-ouest de la Centrafrique, 200 personnes suivent attentivement…

Dans la nuit noire de la forêt équatoriale de Bayanga, dans le sud-ouest de la Centrafrique, 200 personnes suivent attentivement l’écran blanc du Cinéma numérique ambulant (CNA), qui parcourt les routes cabossées du pays pour diffuser films et documentaires.

Créé en avril 2017, le CNA a vu le jour grâce à Serge Mbilika, journaliste à la télévision centrafricaine. « Certains sont émerveillés lorsqu’ils voient une voiture, alors imaginez lors de la projection », explique-t-il.

L’animatrice annonce le premier film et le silence se fait.

Le chant habituel des oiseaux et criquets a laissé place à une voix tonitruante. « Si tu ne t’inscris pas à l’état civil, tu ne pourras pas toucher l’argent de ta retraite! », affirme un personnage sur l’écran géant, au milieu des manguiers du village.

Car Serge a passé l’après-midi avec son petit appareil à arpenter les rues et filmer les habitants de Bayanga.

« Ça nous permet d’attirer l’attention des gens avant la projection », explique Carmelle, animatrice qui ajoute: « passer les voir et les filmer l’après-midi, ça rameute les gens par le bouche-à-oreille ».

Durant la projection, après une heure de musique et de danse, les spectateurs rigolent de se voir sur le grand écran.

– « Avec les moyens du bord » –

Quelques heures auparavant, au passage de Serge, une femme qui broyait du manioc, l’air taciturne, l’avait interpellé. « Tu veux quoi avec ton truc là? », lui a-t-elle demandé en sango, langue locale. Réponse de Serge: « Tu verras ce soir, à 17h à l’école ».

Le but de ce cinéma ambulant est avant tout la sensibilisation. Mariage forcé, lavage des mains, vaccination: les sujets sont nombreux, et le dernier film du soir évoque la scolarisation des filles.

« Je n’avais pas pensé que c’était un problème », dit Maeva, venue, comme tous les autres habitants de ce petit village de Pygmées baka à 10km de Bayanga, voir le film, son fils dans les bras.

« Ma fille reste pour m’aider à la maison. Elle s’occupe du dernier quand je vais en forêt. Mais maintenant je vais la forcer à aller à l’école », ajoute-t-elle.

Pour Serge Mbilika, c’est une victoire: « on s’est dit que c’était le meilleur moyen de toucher les gens des régions reculées, le grand écran marque les esprits de certains, ils parleront aux autres du message qu’ils ont reçu ».

Dans ce pays ravagé par la guerre civile depuis 2012, où des groupes armés combattent pour le contrôle des ressources, Serge Mbilika pense pouvoir faire du cinéma un outil de vivre-ensemble.

« Le cinéma peut être un moyen d’apporter la paix en Centrafrique », pense-t-il.

– Manque de fonds –

Les films diffusés viennent des pays alentours. Le projectionniste Franklin ajuste le projecteur, et à l’écran, un film mettant en scène le Cameroun commence.

Des gens en djellaba débattent, en arabe, de statut marital.

« Le problème, c’est que ça ne touche pas forcément bien la population, les Centrafricains ont du mal à s’identifier », nous glisse Franklin, qui s’occupe aussi du doublage des films en sango avec les moyens du bord.

« On pourrait faire nos propres films, on est deux journalistes dans le groupe, mais le problème c’est qu’il n’y a pas d’argent », déplore-t-il.

L’Unicef et l’Alliance Française fournissent les fonds pour le déplacement et pour la diffusion de certains films, mais le matériel provient du réseau des Cinémas ambulants d’Afrique.

La voiture est par exemple un don de l’antenne camerounaise de cette organisation. Elle a seulement deux roues motrices, les suspensions sont hors-service et le châssis s’est rompu en deux lors de la précédente mission.

« C’est dangereux, déjà que les routes sont compliquées… En plus on a prévu d’aller à Bambari, en zone de tensions », s’inquiète Vivien, le chauffeur de l’équipe.

Avec un réseau routier quasi-inexistant en Centrafrique, le matériel est malmené. « Il faut trouver des partenaires pour changer cette voiture », estime Olivier Colin, directeur de l’Alliance Française de Bangui, en s’exclamant: « ce cinéma est d’utilité publique! ».

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