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En Ethiopie, les Coccinelles customisées d’Addis Abeba

Des bandes et décalcomanies noires sur une carrosserie orange et bleue, des phares surdimensionnés et de nouveaux sièges en cuir…

Des bandes et décalcomanies noires sur une carrosserie orange et bleue, des phares surdimensionnés et de nouveaux sièges en cuir gris. Cela faisait des années que l’Ethiopien Robel Wolde rêvait d’acheter et personnaliser une vieille Volkswagen Coccinelle.

Un rêve devenu réalité: il a acquis une Coccinelle de 1967 pour 50.000 birrs éthiopiens (1.550 euros), puis l’a rénovée pendant deux mois, pour environ 900 euros.

Ce peintre de 25 ans a ainsi grossi les rangs des jeunes Éthiopiens qui, inspirés par des émissions telles que « Pimp My Ride » de MTV, veulent donner une deuxième jeunesse à un modèle de voiture occupant une place particulière dans l’histoire de leur pays.

« La plupart du temps, les Coccinelles sont conduites (ici) par des personnes âgées », dit-il, appuyé sur le capot de sa voiture dans le centre d’Addis Abeba.

« Mais customisées, elles représentent une tendance à la mode pour les jeunes ».

Initialement développée en Allemagne nazie, la Coccinelle est devenue populaire dans les rues d’Addis Abeba sous le règne de plus de quatre décennies de l’empereur Haïlé Sélassié, arrivé au pouvoir en 1930.

En 1974, quand le régime communiste du Derg renverse l’empereur, c’est dans une Coccinelle que ce dernier est emmené de force loin de son palais.

De nos jours, les Coccinelles restent visibles dans les rues de la capitale, en partie car des taxes exorbitantes rendent impossible pour beaucoup l’achat d’une voiture neuve. Mais la valeur sentimentale de la Coccinelle n’est pas étrangère à cette popularité.

– Voiture pour tout le monde –

Lorsque l’auteure américano-éthiopienne Maaza Mengiste en croise une, la Coccinelle bleu clair de son grand-père lui revient invariablement à l’esprit. C’est la voiture dans laquelle elle a été conduite à l’aéroport le jour où elle a quitté le pays, peu de temps après la prise de pouvoir du Derg.

« J’associe cette voiture à l’Éthiopie, à ma jeunesse et aux bons souvenirs que j’en ai », raconte-t-elle à l’AFP.

En 2018, Mme Mengiste a commencé à publier des photos de Coccinelles sur Twitter, avec le hashtag #BeetleEthiopia. Celui-ci a depuis été repris par de nombreux autres Éthiopiens, de toutes les classes sociales, qui publient leurs propres photos et, parfois, partagent des souvenirs de cette quatre-roues légendaire à travers le monde.

« Il y avait quelque chose chez Volkswagen qui transcendait les barrières sociales. C’était une voiture pour tout le monde », dit-elle.

A-t-elle conscience que c’était précisément là l’objectif initial de la marque « Volkswagen », qui en allemand signifie « la voiture du peuple », et dont la Coccinelle, conçue comme un instrument de propagande nazie, fut le premier modèle à sortir d’usine en 1938 ?

Pour Mme Mengiste, acheter une Volkswagen en Ethiopie symbolisait l’entrée dans une classe sociale inédite, « de plus en plus mobile, sans pour autant être extravagante ».

Volkswagen entend aujourd’hui pérenniser sa présence en Ethiopie. En janvier, le constructeur allemand a signé un protocole d’accord avec le gouvernement éthiopien en vue du développement d’une industrie automobile locale, incluant une usine d’assemblage.

– « Je +pimpe+ » –

Les Coccinelles font également partie intégrante de la vie de Kaleb Teshome, un garagiste de 29 ans. Sa famille possède depuis des décennies un garage spécialisé dans la réparation de ces engins.

Et le travail ne manque pas pour M. Kaleb et son père. Plus d’une dizaine de Coccinelles s’entassent dans la petite cour du garage, les autres attendent alignées dans la rue.

La plupart ont été amenées pour une révision standard, mais de temps en temps, M. Kaleb est chargé de réaliser le genre de transformation vue dans « Pimp My Ride » (« Relooke ma voiture »), une émission arrêtée il y a plus de 10 ans, mais dont il regarde encore les épisodes.

« Je connais ces voitures depuis mon enfance, je sais ce dont elles ont besoin », se vante-t-il. « Peinture, gros pneus, un gros système sonore, je +pimpe+ tout cela ».

Sa propre Coccinelle customisée est un modèle de 1972 équipée d’énormes pneus et peinte en vert et noir. « Quand je la conduis dans la rue, même les gens qui sont au volant de voitures de luxe disent +waouh+ ».

Trois générations de Coccinelles – dont la « type 1 » a été la plus populaire – ont été produites en huit décennies par Volkswagen, qui a annoncé en juillet la réalisation de 65 exemplaires d’une « Édition finale » calquée sur la Coccinelle III, dans son usine mexicaine de Puebla, avant d’arrêter définitivement la production.

Pour les propriétaires de Coccinelles, la fin de la production de ces voitures « veut dire que nous possédons un trésor », estime le peintre Robel Wolde.

« Elles feront partie de l’histoire (…), j’ai de la chance. Même si on me fait une très bonne offre, je ne pense pas vendre » la mienne.