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En Guinée équatoriale, les plus pauvres attendent toujours leurs logements sociaux

"Beaucoup de gens qui vivaient autrefois dans des taudis habitent aujourd'hui un logement digne, comme ici", s'enthousiasme un sénateur de…

« Beaucoup de gens qui vivaient autrefois dans des taudis habitent aujourd’hui un logement digne, comme ici », s’enthousiasme un sénateur de Guinée équatoriale, qui habite un logement social à Buena Esperanza, un quartier de Malabo.

Murs en crépi blanc et toits en tôle rouge ou bleue, dans ce quartier de la capitale, des centaines de petites maisons identiques se succèdent à perte de vue.

Ces bâtisses modestes mais fonctionnelles ont été construites au début des années 2010, au moment où, avec la flambée des prix du pétrole, le président Teodoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 1979, promettait d’offrir à sa population « un logement social pour tous ».

Depuis, 8.611 logements sociaux sont sortis de terre dans ce pays qui compte un peu plus d’un million d’habitants, selon les chiffres du gouvernement.

Mais si plusieurs milliers de personnes ont bénéficié d’un programme d’accession à la propriété subventionné par les autorités, les conditions de ressources exigées excluent les plus pauvres.

« Une personne avec un revenu inférieur à 300.000 francs CFA (457 euros) ne peut pas prendre un de ces logements », s’exclame Leandro Eneme, un commerçant de 42 ans, qui habite Buena Esperanza.

« Regardez les voitures qui circulent », ajoute-t-il pointant du doigt des 4×4 rutilants circulant entre les maisons. « Il n’y a rien de pauvre ici ».

Buena Esperanza – Bonne espérance en espagnol- avait pourtant été construit à l’origine pour reloger une partie des habitants de Nubili, le plus grand bidonville de Malabo où des milliers d’Equato-Guinéens s’entassent dans des petites baraques en tôle.

– « D’abord de quoi manger » –

Alors à l’époque, l’annonce avait suscité une vague d’espoir parmi les habitants, qui voyaient la possibilité d’échapper aux conditions d’hygiène déplorables, aux épidémies et aux incendies fréquents du bidonville.

Mais dix ans plus tard, l’immense majorité des résidents de Nubili n’a jamais déménagé, faute d’argent.

C’est le cas d’Elena Oye, une vendeuse de produits alimentaires, qui chaque jour, essaye de subvenir aux besoins de ses quatre enfants.

« A l’époque, on nous a demandé de verser 1,5 million de FCFA (2.287 euros) pour avoir une maison à Buena Esperanza », explique la mère de famille.

Un acompte auquel s’ajoute chaque mois un versement de 72.500 francs (110 euros) étalé sur plusieurs années pour devenir propriétaire du logement.

« Faute d’argent, nous avons perdu le logement. Il nous manquait d’abord de quoi manger », explique celle qui, les bons mois, gagne autour de 120.000 francs (182 euros).

En Guinée équatoriale, en dépit d’un revenu par habitant parmi les plus élevés d’Afrique, une majorité de la population reste pauvre.

« Quand les gens vont cesser de se plaindre ? Dans aucun pays au monde, le gouvernement ne donne gratuitement de logement. Le gouvernement a fait du mieux qu’il pouvait en construisant ces logements et en réduisant les prix », a commenté à l’AFP Eugenio Nze Obiang, ministre de l’information et porte-parole du gouvernement.

Après l’envolée des prix de l’or noir, la chute brutale des cours en 2014 a plongé le pays dans une crise économique, dont il peine aujourd’hui à sortir.

– « Toujours les mêmes » –

Les grands travaux ont considérablement ralenti, la construction de logements sociaux a été suspendue et l’offre s’est tendue.

« Aujourd’hui des riches achètent ces logements pour les mettre en location », assure Engono Mbo, 40 ans, qui a renoncé à demander un logement. « Ce sont toujours les mêmes qui profitent », accuse-t-il.

Avec la crise, nombre de bénéficiaires se sont également retrouvés dans l’incapacité d’honorer leurs mensualités.

Une situation qui a poussé début février le gouvernement à revoir les conditions d’accession à ces logements sociaux.

La durée du crédit s’est allongée, permettant ainsi de réduire le montant des mensualités.

« C’est vraiment une bonne nouvelle pour ma famille », se réjouit Marisol Andeme Esono, infirmière, qui habite un appartement à étage, à Malabo II, un autre quartier de la capitale.

« Je payais 200.000 francs (304 euros) par mois ma maison, soit l’équivalent de mon salaire », détaille celle qui confie à l’AFP avoir de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.

Désormais, 70.000 francs CFA (106 euros) lui sont demandés, soit près de trois fois moins.

A Buena Esperanza, les mensualités sont passées de 70.000 francs CFA à environ 50.000 (76 euros).

Une somme toutefois encore trop élevée pour nombre d’Equato-Guinéens. « Le logement social, c’est pour les classes moyennes et supérieures », souligne Estanislao Obiang, étudiant.

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