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En Irak, le bloc pro-Iran capitalise sur le sort des troupes américaines

En Irak, où la formation du gouvernement n'est toujours pas achevée, le bloc pro-Iran capitalise sur le mécontentement né de…

En Irak, où la formation du gouvernement n’est toujours pas achevée, le bloc pro-Iran capitalise sur le mécontentement né de l’annonce par le président américain Donald Trump qu’il pourrait se servir du pays comme d’une « base » une fois ses soldats retirés de Syrie.

Depuis des jours, réseaux sociaux et médias locaux dénoncent l’envoi présumé de renforts américains en Irak. Officiellement démentie, la rumeur illustre toutefois la sensibilité du sujet dans un pays pris en étau entre ses deux principaux alliés, l’Iran et les Etats-Unis, eux-mêmes grands ennemis.

Dans ce contexte, un calendrier de retrait des forces étrangères devrait être prochainement voté par les députés, assure à l’AFP Mahmoud al-Rubaye, porte-parole du mouvement Sadiqoun, membre de l’Alliance de la Conquête, coalition d’ex-combattants antijihadistes au Parlement.

Comme l’ensemble des factions chiites proches de l’Iran, son groupe « refuse catégoriquement la présence de forces étrangères en Irak et travaille à faire adopter une loi les forçant à partir », indique-t-il.

– Aucune base, officiellement –

Il y a peu, un député de la Conquête a réclamé au Premier ministre Adel Abdel Mahdi une réponse sur des mouvements militaires étrangers, alors que des médias locaux ont diffusé des images de convois militaires présentés comme des renforts américains.

Interrogé par l’AFP, le porte-parole de la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI), Sean Ryan, a confirmé « de nombreux mouvements en raison d’opérations en cours », sans donner plus de précisions.

Cela signifie-t-il pour autant que le nombre de soldats déployés est plus important? Non, répondent responsables irakiens et militaires étrangers.

Officiellement, les Américains assurent n’avoir aucune base en Irak. Mais, à Noël, M. Trump a effectué une visite surprise aux troupes américaines en se rendant sur la base aérienne d’Aïn al-Assad, à l’ouest de Bagdad, unique étape de ce périple de 10.000 km.

Depuis l’invasion emmenée par les Etats-Unis en 2003, la présence américaine fait débat en Irak. Au plus fort de la lutte contre l’insurrection, jusqu’à 170.000 militaires américains étaient présents dans le pays, avant de se retirer fin 2011.

Des soldats américains sont ensuite revenus, mais cette fois-ci au sein de la coalition anti-EI formée en 2014.

Aujourd’hui, le Premier ministre Adel Abdel Mahdi assure qu’il n’y a plus que « 8.000 soldats étrangers » en Irak -contre « environ 11.000 » il y a un an. Parmi eux, « 5.200 soldats » américains, précise à l’AFP Sean Ryan.

– « Priorité » –

Mais, quel que soit leur nombre, pour le bloc pro-Iran, « le départ des Américains est la priorité », explique à l’AFP Renad Mansour, spécialiste de la politique irakienne.

Les Etats-Unis ont interdit au Hachd al-Chaabi, dominé par les milices chiites, « de s’approcher des bases où sont stationnés leurs soldats », explique le chercheur Hicham al-Hachémi, fin connaisseur des forces déployées en Irak.

Selon l’analyste, « le Hachd réclame la réciprocité », alors que les deux forces sont stationnées le long de la frontière syrienne et qu’un important déploiement américain dans la zone bloquerait la possibilité pour l’Iran de créer un corridor terrestre qui lui permettrait d’atteindre la Méditerranée à travers l’Irak, la Syrie et le Liban.

Car ce qui se joue une nouvelle fois en Irak, c’est le « bras de fer entre l’Iran et les Etats-Unis », assure M. Hachémi.

M. Mansour, du centre de réflexion Chatham House, tempère néanmoins le poids de ce débat.

Les questions sociales menacent bien plus la stabilité du gouvernement, dont la formation reste inachevée trois mois après la nomination de son chef, dit-il.

« Ce qui pourrait mener à l’instabilité, c’est le fait que le Premier ministre n’a pas de bloc politique derrière lui », décrypte-t-il.

Sans soutien partisan et à quelques mois de l’été, saison habituelle des mouvements sociaux, M. Abdel Mahdi « aura des problèmes bien plus importants s’il ne parvient pas à offrir emplois et services publics », assure le chercheur.

En revanche, s’il y parvient, « plus personne ne parlera des Américains ».

De fait, jusqu’ici, « la réaction a été limitée aux réseaux sociaux », relève l’expert Jassem Hannoun.

Vendredi, des factions du Hachd avaient appelé à protester en masse contre la présence américaine. Mais seule une poignée de manifestants s’est finalement retrouvée sur la place Tahrir, point de rassemblement habituel de la capitale.

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