InternationalAFP




En Irak, le grand ayatollah se dissocie du futur cabinet, la rue mobilisée

Le grand ayatollah Ali Sistani a refusé vendredi d'être associé au futur Premier ministre en Irak dont les partis négocient…

Le grand ayatollah Ali Sistani a refusé vendredi d’être associé au futur Premier ministre en Irak dont les partis négocient la nomination sous égide iranienne au moment où les pouvoirs à Bagdad et Téhéran sont conspués dans la rue, toujours mobilisée.

Le dignitaire de 89 ans, plus haute autorité religieuse chiite d’Irak, passe pour avoir fait et défait tous les Premiers ministres depuis le renversement du dictateur Saddam Hussein après l’invasion américaine du pays en 2003.

La semaine dernière, c’est son prêche qui avait précipité la chute du gouvernement d’Adel Abdel Mahdi, un an après sa prise de fonctions.

Mais cette fois-ci, a prévenu l’ayatollah Sistani, il ne joue « aucun rôle » et ne fait « pas partie » des négociations, menées sous l’égide des émissaires de Téhéran: le général iranien Qassem Soleimani et le dignitaire chiite en charge du dossier irakien au Hezbollah libanais, Mohammed Kaoutharani.

« La nomination du Premier ministre doit se faire loin de toute ingérence étrangère », a martelé son représentant à Kerbala. Comme chaque vendredi, il a lu le sermon du grand ayatollah qui n’apparaît jamais en public dans cette ville sainte chiite au sud de Bagdad.

Car les manifestants l’ont déjà dit: ils refusent quiconque sera nommé à la tête d’un pouvoir qui n’a pas été entièrement revu. Ils veulent une nouvelle Constitution et une nouvelle classe politique après que l’actuelle, inchangée depuis 16 ans, a fait s’évaporer l’équivalent de deux fois le PIB du pays dans les volutes de la corruption.

– Dispute pour l’espace public –

La place Tahrir, épicentre à Bagdad de la contestation entrée dans son troisième mois, sera une fois encore au coeur de toutes les attentions.

Jeudi, par surprise, elle a été envahie par des milliers de partisans du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires dominée par les pro-Iran et désormais intégrée à l’Etat irakien.

Une démonstration de force qui n’a été étonnamment émaillée d’aucun incident entre deux camps que tout oppose: des partisans d’un Iran tout-puissant qui fait la pluie et le beau temps en Irak, et des manifestants qui dénoncent cette ingérence iranienne.

Les manifestants s’interrogent en effet sur les motivations et intentions des pro-Hachd, certains craignant qu’ils ne reviennent « nettoyer » la place pour « en finir » avec leur mouvement.

Pour les experts, avec ce défilé parallèle, ils cherchent à réduire l’espace public disponible pour les manifestants.

Ces derniers ont déjà annoncé le renforcement des barrages filtrants installés autour de Tahrir qui restait calme à la mi-journée.

Depuis le début de la semaine, deux figures de la contestation à Tahrir ont été enlevées alors que d’autres sont victimes d’intimidations, des actes contre lesquels l’Etat assure ne rien pouvoir faire.

– Sous les yeux de sa mère –

Jeudi, le père de Zahra Ali, manifestante de 19 ans, a dit à l’AFP avoir retrouvé le corps sans vie et torturé de sa fille, qui distribuait des repas sur Tahrir.

Et vendredi, des proches de Zeid al-Khafaji, un jeune photographe connu sur Tahrir, ont indiqué qu’il avait été enlevé devant sa porte en arrivant à l’aube chez lui de Tahrir.

Sous les yeux de sa mère, assurent des militants sur les réseaux sociaux, il a été embarqué dans un 4X4 noir.

Des dizaines de militants ont été retenus plus ou moins brièvement par des hommes armés et en uniformes que l’Etat assure également ne pas pouvoir identifier.

Malgré cette menace, les Irakiens sont de nouveau par milliers dans la rue vendredi dans le sud de l’Irak, tribal et pétrolier.

Depuis le 1er octobre, l’Irak vit au rythme des violences et de manifestations contre le pouvoir dans l’un des pays les plus corrompus au monde, contre le chômage qui touche un jeune sur quatre, la pauvreté endémique et les ingérences étrangères, tout particulièrement celles de l’Iran.

Près de 430 personnes ont été tuées, majoritairement des manifestants, et quelque 20.000 blessées, selon un bilan compilé par l’AFP à partir de sources médicales et policières.

Les manifestants on obtenu une première victoire avec la démission le 1er décembre d’Adel Abdel Mahdi qui gère les affaires courantes jusqu’à la désignation de son remplaçant par le président Barham Saleh à qui il reste une dizaine de jours pour le faire.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne