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En Italie, un film symbole de la violence policière projeté gratuitement

L'affaire avait bouleversé l'Italie en 2009. Près d'une décennie plus tard, des jeunes organisent à travers la péninsule des projections…

L’affaire avait bouleversé l’Italie en 2009. Près d’une décennie plus tard, des jeunes organisent à travers la péninsule des projections gratuites du film tiré de l’histoire tragique de Stefano Cucchi, jeune homme devenu symbole de la violence policière.

De Milan à Naples en passant par Bologne, Parme ou Rome, sur les places, dans des centres sociaux ou des amphithéâtres de facultés, le long métrage « Sulla mia pelle » (« La Mort sur ma peau »), présenté il y a quelques jours à la Mostra de Venise et diffusé par Netflix, fait l’objet de projections pirates, à l’initiative d’étudiants ou d’associations.

Comme vendredi soir dernier, à la prestigieuse université romaine La Sapienza, où quelque deux mille personnes, parfois émues aux larmes, ont assisté à une projection gratuite du film, au mépris du droit d’auteur.

« Ce qui est arrivé à Stefano Cucchi pourrait arriver à chacun de nous », a confié à l’AFP Teo, un caméraman de 27 ans.

Pour Luca Matteuzzi, jeune étudiant romain, « c’est un film dur et beau à la fois. Violent sans montrer une goutte de sang. Il ne décrit pas les forces de l’ordre comme des bêtes mais accuse une bureaucratie timorée, incapable d’assumer ses responsabilités ».

Réalisé par l’Italien Alessio Cremonini, « La Mort sur ma peau » revient sur les derniers jours de Stefano Cucchi (alias Alessandro Borghi), un géomètre de 31 ans mort le 22 octobre 2009 dans un hôpital de Rome, quelques jours après son arrestation.

Interpellé dans la nuit du 15 octobre par les carabiniers, en possession de quelques paquets de haschich, le jeune homme frêle de 43 kg, souffrant d’épilepsie, est amené à la prison de Regina Coeli, à Rome. Convoqué dès le lendemain devant un juge, il présente déjà des hématomes aux yeux et a du mal à marcher.

– Bataille judiciaire –

Maintenu en détention en attendant une nouvelle audience, son état se dégrade et il décède à l’hôpital, le corps couvert d’ecchymoses comme en attesteront les photos prises à la morgue et diffusées par sa famille. Il ne pesait plus alors que 37 kg.

Suivra une longue bataille judiciaire de sa famille, menée par sa soeur Ilaria, visant à établir la responsabilité des gardiens de prison et du personnel médical de l’hôpital dans la mort de Stefano Cucchi.

Un combat mené jusqu’ici en vain car tous ont été jugés innocents, faute de preuves. Un nouveau procès impliquant cinq carabiniers, dont trois sont accusés d’homicide involontaire, est en cours depuis plusieurs mois.

« C’est émouvant de voir comment les choses s’organisent spontanément pour voir l’histoire de mon frère », a confié à l’AFP Ilaria Cucchi.

« Il n’était personne et désormais on le connaîtra en Espagne, en France, partout dans le monde », a ajouté la quadragénaire qui, après sa projection à Venise, a dédié le film au ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini, qui est aussi le chef de file de la Ligue (extrême droite).

« Ce film doit faire réfléchir tout le monde, et lui en premier. Stefano représente un être humain dont les droits ont été niés et violés », a expliqué celle qui, aujourd’hui encore, accuse les forces de l’ordre d’avoir torturé son frère.

Sur internet, tel un gigantesque bouche à oreille, est diffusée depuis quelques jours une affiche où sont indiqués les cinémas qui projettent le film. Parallèlement à sa diffusion sur Netflix, il est sorti dans les salles italiennes le 12 septembre.

Mais les projections pirates se poursuivent de plus belle, comme à Milan ce mardi soir ou à Prato, en Toscane, à ciel ouvert jeudi prochain.

« C’est ainsi que l’on pourra construire une conscience autour des abus de pouvoir en uniforme et, plus généralement, sur les conditions de vie dans les prisons italiennes », explique Giovanni, un organisateur, cité par le quotidien La Repubblica.

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