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En novembre 2017, les deux semaines qui ont précipité la chute de Mugabe

Depuis trente-sept ans qu'il dirigeait le Zimbabwe, Robert Mugabe semblait insubmersible. Mais il y a huit mois, deux petites semaines…

Depuis trente-sept ans qu’il dirigeait le Zimbabwe, Robert Mugabe semblait insubmersible. Mais il y a huit mois, deux petites semaines suffiront à précipiter sa chute, au terme d’une succession de convulsions inédites dans l’histoire du pays.

Lâché un à un par tous ses soutiens, le plus vieux chef de l’Etat en exercice de la planète, 94 ans aujourd’hui, est contraint le 21 novembre de présenter sa démission au président de l’Assemblée, qui commençait à débattre de sa destitution.

Retour en six épisodes sur la crise qui a précipité son départ.

Coup de balai

Le 6 novembre, le ministre de l’Information, Simon Khaya Moyo, annonce que M. Mugabe a limogé son vice-président Emmerson Mnangagwa pour manque de « loyauté ».

A Harare, la nouvelle ne surprend personne. Depuis des semaines, la Première dame, Grace Mugabe, a engagé une violente campagne de dénigrement contre M. Mnangagwa, qui lui barre la route de la succession de son mari.

Sitôt évincé, celui que l’on appelle le « Crocodile » fuit le pays mais défie le couple présidentiel en jurant de revenir au pays pour prendre la tête du parti au pouvoir, la Zanu-PF.

La capitale bruisse déjà de rumeurs faisant de la deuxième épouse du chef de l’Etat la nouvelle vice-présidente.

Casus belli

Mais dans les rangs de l’armée, le dernier caprice du couple Mugabe passe mal. Pour son chef d’état-major, le général Constantino Chiwenga, c’est même la foucade de trop.

Hors de question, juge-t-il, que l’incontrôlable Grace grille la politesse à Emmerson Mnangagwa, héros de la guerre de libération et incontournable de la galaxie sécuritaire.

« La purge actuelle (…) doit cesser immédiatement », tonne le militaire, en treillis et très en colère, lors d’une conférence de presse inédite convoquée le 13 novembre. « L’armée n’hésitera pas à intervenir… »

Coup de force

Et c’est ce qu’elle fait moins de deux jours plus tard, pour la première fois depuis l’indépendance en 1980. Dans la nuit du 14 au 15, ses blindés prennent position à Harare.

L’opération se déroule en douceur, officiellement sans faire de victimes. Seuls quelques coups de feu sont tirés autour du « Toit bleu », la propriété privée du chef de l’Etat, aussitôt placé en résidence surveillée avec sa famille.

Un porte-parole de l’état-major s’invite à l’aube à la télévision nationale pour assurer qu’il ne s’agit pas là d’un coup d’Etat mais juste d’une opération contre les « criminels » de l’entourage du président, en l’occurrence les partisans de Grace Mugabe.

A l’aube, la capitale se réveille interloquée.

« Camarade Bob » résiste

Mais le vieil homme, déterminé et retors, n’est pas décidé à capituler en rase campagne.

Le 16 novembre, il refuse sèchement de remettre sa démission aux généraux. Et le lendemain, il s’affiche même en public.

Revêtu d’une toge bleue et d’une coiffe assortie, il préside comme si de rien n’était la cérémonie de remise de diplôme d’une université d’Harare. Avant de s’endormir, comme il en a pris l’habitude, dans son grand fauteuil de bois…

Seul

Mais le vent tourne. Un à un, les soutiens du président le lâchent. « La partie est finie », lui lance le chef des combattants de l’indépendance, Christopher Mutsvangwa.

Samedi 18, des dizaines de milliers de manifestants envahissent les rues des deux principales villes du pays, Harare et Bulawayo (sud-ouest), aux cris de « Bye bye Mugabe ».

Scènes inimaginables il y a encore quelques semaines, la foule fraternise avec l’armée.

Dimanche 19, la défaite de Robert Mugabe semble consommée. Réunie en urgence, la Zanu-PF lui retire la présidence du parti et exclut son épouse.

Cette fois c’est sûr, pense-t-on à Harare, il va jeter le gant lors d’une allocution télévision prévue en soirée.

Bras d’honneur

Encadré d’une brochette de militaires en tenue, Robert Mugabe lit de son anglais d’un autre siècle une longue déclaration dans laquelle il reconnaît le bien-fondé de certaines critiques, mais prêche l’unité et la réconciliation.

Il s’emmêle dans son texte et finit sa prestation… sans annoncer qu’il se retire. Ultime provocation, il assure même qu’il présidera le prochain congrès de la Zanu-PF !

Le pays est abasourdi, le « roi » a refusé d’abdiquer.

La fin

La Zanu-PF annonce le lancement d’une procédure de destitution mais les négociations continuent avec les militaires pour arracher au vieil autocrate un départ en douceur.

Le 21 au matin, Emmerson Mnangagwa, pressenti pour prendre en main la transition à venir, sort du silence et invite Robert Mugabe à se retirer.

Dans l’après-midi, le Parlement se réunit pour lancer la procédure de destitution.

Les débats sitôt commencés, le président de l’Assemblée, Jacob Mudenda, s’approche de son pupitre et lit la lettre de démission du chef de l’Etat. Tonnerre d’applaudissements. Cette fois c’est sûr, le « roi » est mort.

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