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En Tunisie, le puissant syndicat UGTT réfléchit à son rôle pour les élections

La puissante centrale syndicale UGTT, engagée dans un bras de fer inédit avec le gouvernement tunisien, dit vouloir peser dans…

La puissante centrale syndicale UGTT, engagée dans un bras de fer inédit avec le gouvernement tunisien, dit vouloir peser dans les scrutins législatifs et présidentiel en fin d’année, mais les modalités de cet engagement font débat.

L’UGTT souhaite jouer un rôle dans ces élections, cruciales pour la pérennité de la jeune et fragile démocratie, a dit son secrétaire général Noureddine Taboubi lors d’un récent congrès. Mais « il y a beaucoup d’hypothèses » sur la façon de se faire entendre, a-t-il précisé dans un entretien à l’AFP.

L’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) apparaît comme l’une des rares forces d’opposition unies à l’approche des élections.

La gauche reste en effet marginale, le parti libéral Nidaa Tounès, sorti vainqueur en 2014, est miné par des luttes intestines, et les islamistes d’Ennahdha soutiennent le Premier ministre Youssef Chahed, dissident de Nidaa Tounès.

– Nobel de la Paix –

Le syndicat, qui a participé à la lutte pour l’indépendance, a déjà joué un rôle clé lors de la transition politique post-révolution de 2011, ce qui lui a valu d’obtenir en 2015 un Nobel de la Paix avec les autres acteurs du « dialogue national ». Il a par ailleurs participé à élaborer la feuille de route du gouvernement d’union nationale désigné en août 2016.

Mais, après deux ans et demi au pouvoir, ce gouvernement « est très faible », regrette M. Taboubi, qui lui reproche de céder aux dictats libéraux du Fonds monétaire international (FMI).

En 2016, cette institution a accordé un prêt de 2,4 milliards d’euros sur quatre ans à Tunis, en échange d’un assainissement drastique de ses finances.

Après deux grèves massives en novembre et le 17 janvier dernier –des mobilisations sociales inédites depuis la révolution–, l’UGTT a appelé à une troisième grève générale, de deux jours cette fois, les 20 et 21 février.

Elle réclame des augmentations de salaires pour maintenir le pouvoir d’achat de centaines de milliers de fonctionnaires en dépit de l’inflation à 7,5%, et des garanties contre les privatisations.

« Nous avons annoncé une nouvelle grève dans un mois, tout en espérant que nous arriverons à trouver un compromis. Mais pas à n’importe quel prix », commente le secrétaire général de l’UGTT.

Le président Béji Caïd Essebsi, aux relations désormais tendues avec son Premier ministre, s’est abstenu d’apaiser les tensions, soulignant au contraire les échecs gouvernementaux.

A ce sujet, M. Taboubi se défend d’être instrumentalisé par le camp Essebsi pour faire tomber Youssef Chahed, ex-protégé du président qui est en train de fonder un parti concurrent.

« Ce qui nous importe aujourd’hui (…), c’est de réussir un mouvement militant pacifique et civilisé. Je le répète, cela n’a rien à voir avec une tentative de faire tomber ce gouvernement ou un autre », assure-t-il, en dépit des slogans appelant le gouvernement à « dégager ».

« Le jour J, c’est le peuple tunisien qui demandera des comptes et jugera (…) en fonction du bilan présenté », souligne le dirigeant syndical.

– « Maturité politique » –

Souveraineté économique, pouvoir d’achat, justice fiscale: alors que la classe politique est notamment discréditée pour ne pas avoir répondu aux attentes sociales de la population, l’UGTT incarne des causes qui parlent aux Tunisiens, en dépit de critiques sur sa mainmise syndicale totale dans certains secteurs.

« Nous parlons des réformes de l’éducation, du système de santé, ce sont des dossiers politiques par excellence », souligne M. Taboubi, selon qui, « depuis sa création, l’UGTT a un rôle politique, mais pas dans le sens partisan ».

« L’Union n’est pas un parti, mais elle a la maturité politique pour comprendre les choix prioritaires ».

La question d’un rôle plus politique de l’UGTT ne fait pas l’unanimité au sein du syndicat, qui revendique 800.000 adhérents aux convictions diverses –sympathisants islamistes, partisans de gauche ou nationalistes.

« Certains poussent à la création d’une vitrine politique, comme l’expérience polonaise, d’autres souhaitent que l’UGTT reste dans son rôle d’observateur », explique Moez Hassayoun, président du centre de réflexion tunisien Joussour.

Mais, vu l’urgence économique, « la troisième possibilité, plus constructive, serait que l’UGTT développe, peut-être en partenariat avec le patronat, un programme économique et une vision pour le pays, car les politiques n’en ont ni le temps, ni la capacité, ni la volonté », souligne-t-il.

Que cela soit un projet déjà ficelé, ou bien un questionnaire soumis aux candidats, cela permettrait d’aider les grands partis à proposer de véritables programmes, s’affranchissant des propositions du FMI.

« Nous sommes en phase de réflexion », indique M. Taboubi, soulignant que « ce ne sera pas un seul homme, mais les institutions internes (de l’UGTT, NDLR) qui décideront ».

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