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Entre crise et réformes, Cuba célèbre les 60 ans de sa révolution

La révolution cubaine aura mardi 60 ans, un anniversaire célébré sans Fidel Castro, décédé fin 2016, et dans une île…

La révolution cubaine aura mardi 60 ans, un anniversaire célébré sans Fidel Castro, décédé fin 2016, et dans une île socialiste engagée sur la voie des réformes pour éviter le naufrage économique.

C’est à Santiago de Cuba (sud-est), ancien quartier général de la guérilla, qu’auront lieu des festivités qui s’annoncent discrètes, avec le discours attendu de son frère Raul, dans le cimetière où est enterré le père de la révolution.

« Enfin, nous sommes arrivés à Santiago. Le chemin a été dur et long, mais nous sommes arrivés », lançait, le 1er janvier 1959, le jeune Fidel à la foule rassemblée dans cette ville, dont il venait de prendre le contrôle avec ses hommes.

Six décennies plus tard, l’île est gouvernée par un président n’ayant pas combattu à ses côtés: Miguel Diaz-Canel, 58 ans, qui assurait jeudi sur Twitter que « la révolution cubaine est invincible, elle grandit, elle perdure », en y ajoutant son hashtag préféré #Somoscontinuidad (Nous sommes la continuité).

Mais les temps sont troubles et les déçus, nombreux. Pour Vladimiro Roca, fils dissident du dirigeant communiste Blas Roca (1908-1987), le diagnostic est clair: « La révolution est morte depuis longtemps ».

A l’étranger, le gouvernement reste régulièrement critiqué, notamment sur la question des prisonniers politiques – Vladimiro Roca a lui-même été détenu de 1997 à 2002 -, et confronté à la politique hostile des Etats-Unis depuis l’arrivée de Donald Trump.

– Castrisme sans Castro –

Si, en coulisses, l’ex-président Raul Castro demeure incontournable, aux manettes du Parti communiste (PCC) jusqu’en 2021, un vent de changement souffle sur l’île.

Confrontées à de graves difficultés économiques, les autorités cubaines soumettront à référendum, le 24 février, une nouvelle Constitution qui reconnaît la propriété privée, le marché et l’investissement étranger.

Elles promettent toutefois que Cuba ne reviendra « jamais » au capitalisme. Le texte confirme l’objectif d’une société « communiste » et ratifie le PCC comme parti « unique ».

« C’est sans un aucun doute un nouveau cycle qui s’ouvre », mêlant « continuité et changement », affirme à l’AFP Arturo Lopez-Levy, professeur à l’université Gustavus Adolphus College, dans le Minnesota (États-Unis).

Jorge Duany, directeur de l’Institut de recherchs cubaines de l’Université internationale de Floride, semble moins convaincu: « Pour l’instant, on a l’impression qu’il s’agit d’un castrisme sans un Castro » au pouvoir.

Et surtout, « l’héritage historique de la révolution cubaine semble très usé, autant d’un point de vue politique qu’économique ».

Le dissident Vladimiro Roca pense d’ailleurs que la révolution « va s’éteindre sous son propre poids »: « D’abord, la jeunesse en a marre, elle ne croit en rien de tout ça, et ensuite (la révolution) n’a plus aucun soutien à l’étranger ».

Mais Arturo Lopez-Levy rappelle que celle-ci, au-delà de sa prouesse d’avoir résisté à l’embargo américain depuis 1962, « a su se transformer » et montré « sa capacité d’adaptation, en identifiant et en appliquant les politiques adéquates pour répondre aux défis ».

– La quadrature du cercle –

Aujourd’hui, « la bataille la plus importante, c’est l’économie », reconnaît Miguel Diaz-Canel. La croissance stagne autour de 1%, insuffisante pour couvrir les besoins de la population, qui doit donc supporter les pénuries.

Autrefois premier producteur mondial de sucre, le pays a dû récemment en importer de France. Ces dernières semaines, oeufs, farine et riz ont disparu des rayons.

Le tour d’horizon des alliés de La Havane n’est guère flatteur: le Venezuela, lui-même en crise, peine à lui assurer ses livraisons de pétrole. Le reste de l’Amérique latine a largement viré à droite.

La Russie et la Chine soutiennent politiquement Cuba, mais ne sont pas disposés à la subventionner comme l’a fait l’Union soviétique pendant 30 ans.

Dans ce contexte, « Miguel Diaz-Canel et son équipe ont le défi d’appliquer une politique contradictoire », souligne Arturo Lopez-Levy.

On voit ainsi « une révolution qui s’institutionnalise, le parti communiste cubain qui construit une économie de marché », autorisant les habitants à s’enrichir dans une société qui s’est longtemps voulue égalitaire.

« Le défi c’est de résoudre la quadrature du cercle, pour éviter l’effondrement ».

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