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Erythrée: endormi et vétuste, le port de Massawa croit en sa renaissance

Dans le séculaire port érythréen de Massawa, les rues sont si calmes que le bruit des pas des passants résonne…

Dans le séculaire port érythréen de Massawa, les rues sont si calmes que le bruit des pas des passants résonne entre les immeubles de la vieille ville, qui tombe en ruines.

Des décennies de conflits, de sanctions internationales et de politiques isolationnistes ont étouffé la cité portuaire, dont les quais sont encore bordés par les décombres des bâtiments bombardés durant la longue guerre d’indépendance contre l’Éthiopie.

Mais le processus de réconciliation enclenché au début du mois entre les deux voisins de la Corne de l’Afrique pourrait ramener l’agitation d’antan sur les pontons et dans les bars de Massawa (centre).

Avec le port d’Assab, plus au sud, Massawa pourrait bientôt voir circuler des biens en provenance d’Éthiopie, qui avait perdu tout accès à la mer avec l’indépendance de l’Érythrée en 1993.

Les Érythréens espèrent que cette paix retrouvée insufflera un nouveau dynamisme à l’économie de leur nation, l’une des plus isolées au monde.

« Pas de gens, pas de clients, rien du tout », déplore Yohannis Primo Gebremeskel, le propriétaire de l’hôtel Grand Dahlak. Même si cet hôtel est le plus luxueux des environs, il n’accueille que de rares visiteurs.

Mais il regarde désormais l’avenir avec optimisme. « C’est bien que nous soyons (à nouveau) ensemble », dit-il en évoquant un processus de paix encore inimaginable il y a quelques mois.

« Pour l’Éthiopie et aussi pour l’Érythrée, c’est une grosse opportunité. Je pense que les Éthiopiens viendront ici chaque semaine », ose-t-il espérer.

Autrefois appelée la « Perle de la mer Rouge », Massawa a été occupée par différents empires au cours des siècles. La ville abrite aussi ce que les historiens présentent comme la plus vieille mosquée d’Afrique.

Sa vieille ville foisonne d’hôtels et magasins construits quand Massawa appartenait à l’empire Ottoman puis, entre la fin du 19ème siècle et la 2ème Guerre mondiale, à l’Italie.

– L’économie stagne –

Plusieurs dizaines d’années après que l’Érythrée eut été incorporée à l’Éthiopie en 1962, le port a été le lieu d’une bataille décisive de la guerre d’indépendance.

Aux portes de Massawa, trois tanks abimés par les obus commémorent l' »opération Fenkil » en 1991, quand les rebelles érythréens ont pris d’assaut la jetée reliant l’île sur laquelle est située la vieille ville au continent.

Cette bataille a mené à la victoire finale sur les Éthiopiens en 1991 et au vote sur l’indépendance de l’Érythrée, deux ans plus tard.

Après l’indépendance, Massawa a d’abord continué à servir comme lieu de transbordement pour les produits éthiopiens. Mais la guerre de 1998-2000 et ses quelque 80.000 morts y a mis fin.

L’hostilité a ensuite prévalu pendant près de deux décennies, l’Éthiopie refusant d’appliquer les conclusions d’une commission internationale indépendante qui avait délimité en 2002 le tracé de la frontière commune.

Pour contrer la menace éthiopienne, le président érythréen, Issaias Afeworki, a adopté des mesures répressives, jusqu’à faire de son pays l’un des plus fermés au monde.

Il a emprisonné de nombreux opposants sans procès, démantelé la presse indépendante et mis en place un système de conscription obligatoire et illimitée.

Ces mesures ont effrayé les investisseurs étrangers et provoqué la stagnation de l’économie érythréenne.

« Bien sûr, ils voulaient plus de développement économique, mais ils ont fait de l’autonomie nationale la priorité », note Seth Kaplan, professeur à l’université Johns Hopkins aux États-Unis.

Les sanctions adoptées par l’ONU à l’égard de l’Érythrée en 2009, en raison du soutien présumé d’Asmara aux islamistes somaliens shebab, n’a fait qu’aggraver la situation.

– « De l’espoir » –

La Banque africaine de développement estime la croissance de l’économie érythréenne à 3,4% en 2017. Cette croissance tient pour beaucoup à la mine de Bisha, où de l’or, du cuivre et du zinc sont exploités.

Les minerais sont exportés via le port de Massawa, qui sinon ne sert pas à grand-chose d’autre qu’importer des biens de consommation.

« Comment le port pourrait-il être fonctionnel quand la majeure partie du monde ne peut pas commercer avec lui et qu’ils ont très peu à vendre ? », s’interroge M. Kaplan.

Pas plus d’une dizaine de navires accostent chaque mois, et parfois aucun, selon les habitants de Massawa.

M. Issaias a évoqué la fin de « l’époque des crises » dans la Corne de l’Afrique. Mais il n’a encore laissé paraître aucun signe qu’il pourrait vouloir ouvrir son pays aux investisseurs.

Les gens de Massawa veulent toutefois croire que la paix retrouvée leur ramènera commerçants et visiteurs.

Ethiopian Airlines a déjà repris les vols en direction d’Asmara depuis deux villes éthiopiennes et envisage d’ouvrir des lignes vers Massawa et Assab.

« Nous avons maintenant de l’espoir », lâche Mohamed Idris, un marin qui emmène les rares touristes visiter des îles de la mer Rouge.

Au nord de Massawa, des visiteurs nagent devant l’hôtel de style italien Gurgusum Beach. Malgré la chaleur intense, il n’a pas de climatisation. Le manageur, Adam Ahmed, espère que le gouvernement paiera la rénovation et confie attendre « maintenant un changement rapide ».

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