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Espagne: des Ménines modernes réveillent une ville en décrépitude

En colère contre la mort annoncée de son quartier de Canido à Ferrol, Eduardo Hermida a peint sa version des…

En colère contre la mort annoncée de son quartier de Canido à Ferrol, Eduardo Hermida a peint sa version des Ménines de Velázquez sur un mur. Un acte de protestation qui a donné naissance à un festival et redonné des couleurs à cette ville de Galice.

C’était en 2008. Depuis, ses amis l’ont imité, suivis par des artistes du monde entier, venus même de Taïwan.

Et avant qu’il ne s’en rende compte lui-même, Hermida avait créé un festival qui a désormais lieu tous les ans et a ramené des touristes et de nouveaux habitants à Canido.

En avril, sur un mur qui avait été réservé au graffeur de Bristol Banksy, une peinture portant sa signature présumée est même soudainement apparue dans la nuit, créant l’émoi dans la ville.

Mais ce graff – représentant deux gardes civils s’embrassant, en référence au célèbre « Gay Bobbies » du Britannique – n’est finalement pas de lui, a assuré vendredi à l’AFP le site internet du mystérieux artiste après des mois d’interrogations.

Peu importe pour Canido et Eduardo Hermida, le festival continue.

Baptisée la « Detroit » d’Espagne, Ferrol, dans le nord-ouest de l’Espagne, est la ville natale du dictateur Francisco Franco et a souffert du déclin de ses chantiers navals.

Elle a vécu une crise « chronique et atroce », raconte Hermida. « Cela a poussé les gens à partir et il reste de nombreuses maisons abandonnées », poursuit l’artiste barbu de 52 ans, lunettes carrées sur le nez et casquette sur la tête, selon qui Canido « a été l’un des (quartiers) les plus touchés ».

Depuis 1981, Ferrol, qui compte environ 67.000 habitants, en a perdu plus de 20.000, selon l’institut de statistiques de Galice. Le nombre de personnes de moins de 30 ans y vivant a chuté de près de 47% entre 1998 et 2017.

– Ménine à tête de Dark Vador –

Et en février, même le magasin de vêtements Zara, dont la Galice est la région historique d’implantation, a mis la clef sous la porte dans la ville.

Mais depuis dix ans, le geste de colère d’Hermida contre l’inaction des autorités face à la désaffection du quartier et les Ménines de toutes les tailles et de toutes les couleurs qui peuplent désormais les murs, ont ramené de la vie à Canido.

Au cours de la dernière édition du festival, qui a eu lieu de vendredi à dimanche et est désormais sponsorisé par des marques, des artistes venus de toute l’Espagne s’affairent sur des murs marqués d’un M jaune indiquant qu’ils ont le droit d’y peindre.

Certains, perchés sur des plateformes, peignent à la bombe de gigantesques façades d’immeubles. D’autres assemblent délicatement des mosaïques sur une maison en ruines.

Depuis les débuts du festival, environ 240 versions des Ménines, chef d’oeuvre du XVIIe siècle de Velázquez, ornent les murs de Canido.

Des Ménines cubistes, une avec une tête de Dark Vador, une autre arborant le slogan féministe « Time’s Up », une Ménine sirène avec des cheveux bleus et une cicatrice sur la poitrine contre le cancer du sein ou une dont les lignes du visage suivent les fissures d’un mur…

– Nouvelle jeunesse –

Selon les habitants, Canido a changé ces dernières années et les Ménines y sont pour beaucoup.

Des maisons en ruines subsistent mais de nouvelles constructions ont vu le jour amenant de nouveaux habitants et de nouvelles activités.

« Il y a un gynécologue, un poissonnier, de bons restaurants », souligne Hermida.

Jose Gandara, marchand de journaux de 46 ans qui y possède son magasin depuis 1996, estime que Canido a vu sa population doubler depuis que le festival a commencé. « Il y a plus de clients, des jeunes sont venus s’installer, des couples, de jeunes parents avec des enfants », indique-t-il.

Des touristes en croisière accostent désormais à Ferrol et montent à Canido voir les Ménines, ajoute-t-il.

« Cela a eu un énorme impact » dans la revitalisation du quartier, abonde Maria Fernandez Lemos, chargée de l’urbanisme au sein de la municipalité.

La revitalisation grâce à l’art n’est pas réservée à Canido et à Ferrol. Le village de Fanzara, dans l’est de l’Espagne, par exemple, a été ressuscité par les oeuvres d’artistes urbains venus du monde entier.

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