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Etats-Unis: un dur à cuire démocrate à l’assaut d’une région ultra-conservatrice

Ancien militaire reconverti en défenseur de la classe ouvrière, Richard Ojeda tente presque l'impossible en Virginie-Occidentale: faire basculer l'une des…

Ancien militaire reconverti en défenseur de la classe ouvrière, Richard Ojeda tente presque l’impossible en Virginie-Occidentale: faire basculer l’une des circonscriptions les plus conservatrices des États-Unis dans le giron démocrate le 6 novembre.

Cette région traversée par les Appalaches est un bastion conservateur sur le fil du rasoir. Elle est appauvrie, les salaires stagnent, le coût de l’assurance santé s’envole, l’industrie du charbon est exsangue, et elle se trouve au coeur de la crise des opiacés, qui fait des dizaines de milliers de morts chaque année dans le pays.

Dans ce contexte, celui qui a servi 24 ans dans l’armée américaine n’a pas la langue dans sa poche et promet des mesures économiques un tantinet populistes.

« Je n’ai aucun problème à taper du poing sur la table quand [les élus] ne font pas ce qu’il faut pour les citoyens de la classe ouvrière de cet État », confiait récemment à l’AFP M. Ojeda à Huntington, port d’attache de sa campagne. « Nous avons été dupés et maltraités pendant beaucoup trop longtemps ».

Quelque chose dans son offensive électorale – qu’il aime à comparer à un « déploiement au combat » – semble rencontrer un écho au sein de l’électorat. Les sondages le placent sur les talons de sa concurrente républicaine Carol Miller.

Avec son imposante carrure et sa tenue sans apparat (pull et pantalon beige, bottes de combat), cet homme de 47 ans ne retient pas ses coups lorsqu’il s’agit de critiquer les républicains, y compris le président Donald Trump auquel il a pourtant donné sa voix en 2016.

Lors d’un meeting à Wheeling dans cet État de l’est des États-Unis, le milliardaire l’a traité de « complètement dingue ».

Que la bataille commence, a rétorqué Richard Ojeda.

– Démocrates « nuls » –

Mais il décoche ses critiques les plus acerbes aux démocrates qui ont dominé cet État pendant des décennies. En 2014, les républicains leur ont ravi le parlement de Virginie-Occidentale et, deux ans plus tard, Donald Trump affichait près de 50 points d’avance dans la circonscription convoitée par Richard Ojeda.

« La raison pour laquelle le parti démocrate a perdu le pouvoir, c’est parce que les démocrates sont nuls », lance l’ancien militaire, élu en 2016 au Sénat de son État quelques semaines après une violente agression par un électeur en colère.

« Des gens ont été au pouvoir pendant trente, quarante ans », mais ces notables « ont profité du système », relève-t-il.

L’État a drastiquement changé de camp en quelques années seulement. Tandis que Donald Trump se démène pour conserver sa majorité au Congrès à Washington en novembre, les démocrates veulent reconquérir la Virginie-Occidentale.

Et ils comptent sur ce père de deux enfants, militaire parachutiste à la retraite ayant été déployé en Irak et en Afghanistan. Tatoués sur son dos, les noms de ses compagnons soldats tués au combat.

Dans son équipe de campagne, ce sont les overdoses qui ont pris la vie de plusieurs proches. Selon lui, la faute en incombe aux laboratoires pharmaceutiques qui ont « distribué oxycodone et hydrocodone » (des opiacés) « comme des Tic Tac ».

« Une épidémie d’opiacés déchire notre communauté et a tué des milliers des nôtres et personne n’a le cran de s’opposer aux géants pharmaceutiques », dit-il.

– « Arrogant » –

Ses positions politiques sont éclectiques: pro-armes à feu et soutien de l’industrie du charbon, il joue aux équilibristes en matière de droits reproductifs, fulmine à la perspective de discrimination par les compagnies d’assurance envers les personnes ayant des antécédents médicaux, et a soutenu la grève des enseignants en février exigeant meilleure assurance et meilleur salaire.

« Des républicains m’ont contacté de partout pour dire: Écoute, on va te soutenir. Parce que je dis ce qui doit être dit », affirme-t-il. « Beaucoup en ont tout simplement assez de tout ce bazar ».

Hunter King, fils d’un mineur de fond âgé de 18 ans, a l’intention de voter pour lui. « C’est celui qui m’a fait le plus sentir que ma voix comptait », explique celui qui va participer à un scrutin pour la première fois.

Mais tout le monde n’est pas aussi admiratif. Pour Bob Ellison, un propriétaire de bar pro-Trump, Richard Ojeda est un imposteur « arrogant ».

Sa fille a succombé à une overdose d’opiacés et son fils est dépendant aux méthamphétamines, mais il ne voit pas l’ancien militaire mettre fin à cette épidémie. « Je crois que les républicains vont s’en charger », dit-il.

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