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Face à une rue intransigeante, l’Irak doit désigner un Premier ministre

Les dirigeants irakiens doivent désigner un nouveau Premier ministre jeudi, date butoir selon la Constitution, sous peine de faire entrer…

Les dirigeants irakiens doivent désigner un nouveau Premier ministre jeudi, date butoir selon la Constitution, sous peine de faire entrer dans l’inconnu un pays où la révolte ne faiblit pas en dépit des assassinats et enlèvements de militants.

A minuit, si le Parlement n’a pas accordé sa confiance à un nouvel homme pour former le futur gouvernement, la Constitution prévoit que le président de la République, Barham Saleh, prenne de facto les rênes du cabinet démissionnaire.

Avant cela, le Parlement aura deux chances. En premier lieu, la coalition majoritaire doit remettre un nom au président qui le soumettra à un vote de confiance de l’Assemblée. Si la majorité n’est pas atteinte, M. Saleh proposera à son tour un nom.

Si là aussi, le vote n’est pas concluant et ne permet pas de valider ce candidat, alors c’est M. Saleh qui deviendra –pour 15 jours– Premier ministre.

Le Parlement actuel est le plus éclaté de l’histoire récente de l’Irak. Mercredi, les députés n’ont pas réussi à s’entendre sur la réécriture de la loi électorale –seule réforme majeure présentée par les autorités face aux revendications de la rue– et a fixé sa prochaine séance à lundi.

Déjà, l’année dernière, l’Assemblée n’était pas parvenue à établir sa « plus grande coalition », seule à avoir le droit, selon la loi, de proposer un Premier ministre au vote des députés.

Les partis s’étaient alors tacitement entendus pour présenter quelques minutes après l’élection du président un indépendant sans base partisane ni populaire.

Aujourd’hui, leur homme du consensus, Adel Abdel Mahdi, a quitté son poste après deux mois d’une révolte inédite, marquée par près de 460 morts et 25.000 blessés et qui se poursuit malgré la répression, les assassinats ciblés et le froid mordant de l’hiver.

– Manifestants inflexibles –

Plusieurs noms circulent encore à quelques heures de l’expiration du délai constitutionnel. Mais tous ont déjà occupé plusieurs postes au sein d’un pouvoir que les manifestants rejettent en bloc, avec l’ensemble de ses politiciens et son parrain iranien, grand voisin dont l’influence n’a cessé de grandir ces dernières années.

Ministre démissionnaire de l’Enseignement supérieur, Qoussaï al-Souheil est, depuis plusieurs semaines, présenté par de nombreux responsables comme le candidat de Téhéran. Ancien ténor du mouvement du leader chiite Moqtada Sadr, il est désormais membre de l' »Etat de droit » de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki –proche de l’Iran et grand ennemi de Sadr– et semble avoir pris l’avantage.

Mais rien n’est sûr après des semaines où chaque jour le candidat en tête finit par être écarté, la place Tahrir de Bagdad se couvrant chaque jour de nouveaux portraits de candidats barrés d’une grande croix rouge par les manifestants.

Avant M. Souheil, le grand favori était Mohammed al-Soudani, 49 ans, ancien ministre et ex-gouverneur d’une province du Sud aujourd’hui en proie aux manifestations et aux violences.

Mais il y a quelques jours, M. Soudani s’est présenté à Najaf où siège le grand ayatollah Ali Sistani pour être adoubé par cette figure tutélaire de la politique irakienne. Il n’a pas été reçu, assurent des sources dans la ville sainte chiite.

Car face à une rue intransigeante, le grand ayatollah de 89 ans, plus haute autorité religieuse de la plupart des chiites d’Irak, a déjà annoncé ne pas vouloir être mêlé à la formation du prochain gouvernement.

– Atout de « dernière minute » –

Plusieurs responsables politiques à l’AFP l’assurent à l’AFP: M. Saleh garde un atout « pour la dernière minute », le chef du renseignement Moustafa al-Kazimi, un travailleur de l’ombre présenté comme l’homme des Américains.

Loin des réunions au sommet entre chefs de groupes parlementaires, patrons de partis et émissaires de l’Iran ou de l’ONU, un homme a lancé mardi un sondage sur Twitter. « Dois-je me présenter? », a-t-il demandé, et 73% des près de 100.000 votants ont répondu « oui ».

Mercredi, Fayeq al-Cheikh Ali –trublion du Parlement qui avait fait campagne auprès des amoureux « de bon vin » et qui ne cesse de lancer des piques sur les réseaux sociaux à ses collègues au Parlement qu’il accuse de corruption et de confessionnalisme– a envoyé sa lettre de candidature au président.

Alors que le fossé entre dirigeants et manifestants ne cesse de s’agrandir après deux mois et demi de manifestations et de violences; de l’autre, les salves de roquettes tirées sur des bases abritant soldats et diplomates américains ne cessent de pleuvoir.

Dans ce contexte tendu –avec dix attaques en moins de deux mois contre leurs intérêts– les Américains ont envoyé des renforts blindés dans l’ultra-sécurisée Zone verte où siège leur ambassade.

Ils y ont récemment fait entrer un imposant convoi de véhicules blindés et d’armes pour renforcer leur protection, alors qu’ils ont réduit depuis un an et demi leur personnel et fermé leur consulat à Bassora, dans le sud.

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