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Face au manque de cinémas en Irak, une cave transformée en musée du 7e art

Bud Spencer côtoie Farid al-Atrache, les chanteuses arabes des comédies musicales en noir et blanc rencontrent Van Damme: au sous-sol…

Bud Spencer côtoie Farid al-Atrache, les chanteuses arabes des comédies musicales en noir et blanc rencontrent Van Damme: au sous-sol de sa maison, un Irakien a créé un musée du septième art, dans un pays où les cinémas de quartier ont disparu.

Abdel Qader al-Ayoubi, élégamment apprêté, a patiemment collecté matériel et archives: pellicules, bobines, 8 mm, 35 mm, 16 mm, écrans, moniteurs, projecteurs… tout y est, glané à travers l’Irak, chez des brocanteurs et parfois « à prix d’or ».

Car tout ici est ancien. Dans les années 1970, la seule ville de Kirkouk, au nord de Bagdad, où vit M. Ayoubi comptait cinq cinémas: « le Khayyam, le Hamra, l’Alamein, l’Atlas et le Salaheddine », raconte ce conseiller pédagogique à l’AFP.

Avant eux, il y a eu aussi eu « le Dounia » ou « le Ghazi », poursuit l’homme de bientôt 60 ans, dont au moins 50 consacrés à sa passion, le cinéma.

Ailleurs dans le pays aussi, toutes les villes avaient leurs salles obscures, plus ou moins célèbres et plus ou moins fréquentées.

Mais en 1980, le dictateur de l’époque, Saddam Hussein, se lance dans la guerre contre l’Iran voisin. Ce sera le premier conflit d’une longue série dont le pays sort à peine.

– « Raisons de sécurité » –

Il y a plus de sept mois, les autorités à Bagdad ont déclaré la « victoire » contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Depuis, les violences ont drastiquement décru mais la vie culturelle qui a fait durant des siècles la réputation de l’Irak s’est réduite comme peau de chagrin.

Entre les guerres, l’embargo international en vigueur pendant douze ans, le règne des milices et des jihadistes, le cinéma a bien décliné depuis son âge d’or, quand Saddam Hussein en personne finançait des films, souvent à sa gloire.

Aujourd’hui, tous les cinémas de quartier ont fermé. Seuls quelques cinémas multiplexes existent dans des centres commerciaux de Bagdad ou de Bassora, la grande ville du sud.

Et à Kirkouk, ville multi-ethnique riche en hydrocarbures où cohabitent Kurdes, Arabes et Turkmènes, « il n’y a plus une seule salle car toutes ont fermé, pour différents motifs, mais principalement pour des raisons de sécurité », selon Abdel Qader al-Ayoubi.

Le seul endroit où vous pourrez entendre une bobine tourner et le souffle du ventilateur d’un projecteur, c’est en descendant dans le sous-sol de sa maison. Là, assis sur quelques sièges en skaï, se retrouvent « chaque semaine » des amoureux du septième art, comme Ghassan Hawwa.

A 42 ans, cet employé du secteur pétrolier a brièvement connu l’époque de « l’Atlas, du Hamra, du Alamein ». Mais, dit-il, « aujourd’hui, tout le monde regarde des DVD ou va sur internet ».

Pour tenter de garder vivante la mémoire des salles obscures en Irak, la poignée de passionnés qui gravite autour de M. Ayoubi « essaye de faire revivre le cinéma qui a disparu, surtout à Kirkouk », poursuit-il.

« Chez Abdel Qader, on regarde des films d’action ou des films d’horreur », raconte dans un sourire cet Irakien.

Mais ce que préfère le plus M. Ayoubi ce sont « les films arabes », les comédies musicales des crooners des années 1950 et 1960, les récits à l’eau de rose où les hommes n’hésitent pas à jouer des poings pour ravir le coeur d’une belle éprise mais prisonnière de sa famille ou des convenances.

Avec bien sûr, dit-il, une petite touche de « films étrangers », comme les péplums de Maciste ou les westerns spaghettis, dont les affiches recouvrent les murs du petit musée, ouvert au public pendant les week-ends et les vacances.

C’est M. Ayoubi qui assure la visite, prêt à livrer tous les détails sur chacune des bobines, projecteurs et autre affiche. Histoire de tenter de séduire la nouvelle génération qui, se lamente-t-il, « ne sait rien du cinéma à l’ancienne ».

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