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« Gilets jaunes » et syndicats, deux mondes parallèles

Pris de court par les "gilets jaunes", les syndicats n'y ont pas trouvé leur place et sont restés divisés. Un…

Pris de court par les « gilets jaunes », les syndicats n’y ont pas trouvé leur place et sont restés divisés. Un an après, leur stratégie n’a pas bougé et des mouvements parallèles apparaissent.

C’est la « première fois que les syndicats sont restés en dehors d’un mouvement portant des revendications sociales importantes », souligne le politologue Jean-Marie Pernot, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires).

Au début, il y a eu un effet de « sidération » pour les centrales face à ce mouvement hétéroclite, qui d’ailleurs ne voulait pas d’elles. Il y a eu aussi de la frilosité, devant un risque de récupération de l’extrême droite et un discours antifiscal, une ligne rouge pour tous les syndicats.

Mais le diagnostic est vite arrivé, résumé par Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. « La première leçon qu’on doit tirer de ce mouvement des gilets jaunes, c’est qu’ils sont le reflet de tous les déserts syndicaux de la CGT: petites et moyennes entreprises, retraités, précaires, privés d’emplois et beaucoup de femmes », a-t-il reconnu en mai.

Pour autant, les réponses apportées par les syndicats n’ont pas été adéquates, assurent des experts interrogés par l’AFP.

La CFDT lance mi-avril un « pacte du pouvoir de vivre », avec à ses côtés la CFTC, l’Unsa, des associations et l’ancien ministre Nicolas Hulot. Mais pas la CGT, qui s’en plaint. Ni FO ou Solidaires.

« Les travailleurs ont besoin d’unicité des organisations syndicales, pas de leurs querelles, sinon ils s’en désintéressent », pointe Jean-Marie Pernot, regrettant qu’elles « mettent plutôt en avant ce qui les démarque, avec des déclarations comme: +on n’est pas à la CFDT+, +on n’est pas à la CGT+…, que les points qui les unissent ».

« Jamais les Français, et nous l’avons constaté avec les +gilets jaunes+, n’ont été aussi critiques du capitalisme des grands patrons et désireux de changements révolutionnaires », estime Jean-François Amadieu, professeur de sciences sociales. Ce mouvement était « du pain béni pour les syndicats. Ils auraient pu embrayer comme en 68 avec le mouvement des étudiants », note-t-il, n’eût été leur division.

– « Business as usual » –

La convergence existe traditionnellement autour de sujets républicains comme le racisme, l’antisémitisme ou le terrorisme, mais rarement autour de thématiques sociales comme les salaires, la retraite ou l’assurance chômage.

Et un an après la première mobilisation des « gilets jaunes », « c’est business as usual » pour les syndicats, chacun de son côté, selon M. Pernot. « La CGT et FO appellent à descendre dans la rue et le fait qu’il n’y ait personne n’a pas l’air d’être un problème. La CFDT lance un +pacte du pouvoir de vivre+, qui est plus un coup qu’une stratégie, avec Berger qui dit +s’il vous plaît, écoutez-nous! ».

Pour Guy Groux, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), ce mouvement a causé « deux torts » aux syndicats.

D’une part il a fait preuve de « plus d’efficacité » en arrachant à Emmanuel Macron, en quelques semaines, des mesures d' »urgence », dont une baisse de la CSG pour les retraités, une demande vainement portée par les syndicats pendant des mois.

La dernière fois où eux ont obtenu gain de cause remonte à 2006, avec l’abrogation du contrat première embauche. Il y a eu depuis les mobilisations massives mais vaines contre les réformes des retraites en 2010, des lois travail (2016 et 2017) ou de la SNCF (2018)…

D’autre part, les « gilets jaunes » ont été « le reflet de la défiance totale des Français à l’égard des institutions, y compris les syndicats ». Il y a une demande « pour plus de proximité et de démocratie à laquelle les syndicats, avec des rouages lourds, ont beaucoup de mal à s’adapter », estime M. Groux.

Depuis quelques années, le baromètre du Cevipof montre ce manque de confiance des Français envers les syndicats (mais aussi les journalistes et les politiques). Deux reproches en particulier sont entendus: ils sont « trop politisés » et ils n’obtiennent pas gain de cause.

Cette défiance, M. Groux la note aussi dans l’entreprise « avec de plus en plus des regroupements autonomes de salariés », comme le mouvement des urgences ou celui des « stylos rouges » des enseignants.

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