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Hong Kong: « L’éclosion généralisée », nouvelle tactique des manifestants

Les manifestants hongkongais, qui se voulaient auparavant fluides "comme l'eau", ont adopté cette semaine une nouvelle tactique, dite de "l'éclosion…

Les manifestants hongkongais, qui se voulaient auparavant fluides « comme l’eau », ont adopté cette semaine une nouvelle tactique, dite de « l’éclosion généralisée » qui consiste à multiplier les actions de faible envergure pour éprouver au maximum les capacités de la police.

L’ex-colonie britannique, qui traverse depuis cinq mois sa pire crise politique depuis sa rétrocession à Pékin en 1997, a basculé depuis lundi dans un chaos général, dû à un changement d’attitude de la mouvance pro-démocratie.

Depuis lundi, de petits groupes lancent des actions simultanées dans une multitude de quartiers de la mégapole du sud de la Chine, érigeant des barricades, bloquant des carrefours, vandalisant stations de métro et magasins pro-Pékin et, surtout, provoquant la police.

Ainsi certaines avenues de la cité-dortoir de Tseung Kwan O (est) sont devenues impraticables pour les voitures, car obstruées par des empilements de barrières métalliques, de vélos et de poubelles, et jonchées de monticules de briques.

C’est le cas de celle qui longe le parking à étages de Sheung Tak où avait chuté la semaine dernière Alex Chow, un étudiant de 22 ans dont le décès vendredi a été l’élément déclencheur de cette nouvelle flambée de violence.

Lundi soir, une camionNette y a été incendiée. Et mardi soir, elle a jusque tard dans la nuit été le théâtre d’un face-à-face tendu entre habitants des résidences alentours et forces de l’ordre qui ont tiré des grenades lacrymogènes et des dizaines de balles en caoutchouc, avant de battre en retraite.

– « Dérouter les policiers » –

Plusieurs fois vandalisée, la station locale du métro n’ouvre plus, et c’est tout ce quartier résidentiel érigé sur des terres gagnées sur la mer, et enclavé entre des montagnes, qui est désormais isolé.

Elargie aux autres secteurs de Hong Kong, la tactique a pour conséquence une paralysie presque totale de la ville de 7,5 millions d’habitants.

« Il faut oeuvrer à une éclosion généralisée pour dérouter les policiers », pouvait-on lire mercredi matin sur un message posté sur un forum prisé des manifestants.

Les manifestants n’ont cessé de faire évoluer leurs modes d’action depuis le début de la contestation en juin, qui ciblait initialement un projet visant à autoriser les extraditions vers la Chine, depuis retiré.

Ils ont considérablement élargi leurs revendications pour dénoncer le recul des libertés dans la région semi-autonome et l’emprise du gouvernement chinois.

Les manifestations de masse des premières semaines ont petit à petit disparu, notamment parce que l’exécutif a cessé de les autoriser. De son côté, la police est montée d’un cran dans la répression des rassemblements, procédant à des milliers d’arrestations, poussant les protestataires à sans cesse s’adapter.

Il fut un temps où les manifestants menaient des actions consécutives en divers points de la ville, bloquant ici la circulation, se confrontant là aux policiers dans des opérations coup de poing rapides, avant de s’enfuir et de réapparaître un peu plus loin.

Cette tactique se résumait à une formule de la star hongkongaise du kung fu Bruce Lee (1940-1973) reprise comme un letmotiv par le mouvement: « Be water » (« Sois comme l’eau »). Il fallait être fluide, liquide, imprévisible, insaisissable, s’adapter.

– Rester dans son quartier –

Mais pour mettre en oeuvre cette stratégie, encore fallait-il pouvoir compter sur le très efficace métro hongkongais qui transporte en temps normal quatre millions de personnes par jour et permet en un rien de temps de passer d’un quartier à un autre.

Dans les premiers mois, la société MTR, opératrice du métro, a continué de faire rouler ses trains comme si de rien n’était. Mais sous pression de Pékin, l’opérateur s’est ensuite mis à fermer les stations desservant les lieux de manifestations.

En réaction, le métro est devenu une cible privilégiée des manifestants. Et nombre de ses stations ont été tellement vandalisées qu’elles n’ouvrent même plus.

Dans l’incapacité de se déplacer aussi facilement qu’avant dans une ville côtière au relief tourmenté, les manifestants viennent donc d’adopter pour credo « l’éclosion généralisée » (« Blossom Everywhere »), tactique consistant à allumer un maximum de feux et contre-feux pour éprouver les capacités des forces de l’ordre.

L’idée est que les manifestants doivent se soulever dans leur propre quartier, sans chercher à aller ailleurs.

« N’allez pas dans d’autres quartiers. D’abord, ils ne vous sont pas familiers. Ensuite, il n’y a pas de transport », expliquait le message détaillant le principe de « l’éclosion généralisée ».

Auparavant, les journées étaient relativement calmes à Hong Kong, où l’agitation reprenait la nuit venue. Mais dans le cadre de la nouvelle tactique, les perturbations sont depuis trois jours permanentes.

Si elle n’a pas encore fait bouger d’un iota l’exécutif hongkongais, cette tactique a créé un chaos généralisé dans cette mégapole naguère prisée pour sa stabilité qui est désormais, selon un porte-parole de la police, « au bord de l’effondrement total ».

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