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Hyperandrogénie: la Kényane Wambui n’a « plus le goût » de s’entraîner

"Je suis très déçue. Je n'ai même plus le goût de m'entraîner parce que je ne sais même plus pourquoi…

« Je suis très déçue. Je n’ai même plus le goût de m’entraîner parce que je ne sais même plus pourquoi je m’entraîne ». La spécialiste kényane du 800 m Margaret Wambui craint que le nouveau règlement concernant les athlètes hyperandrogènes ne signifie la fin de sa carrière.

Médaillée de bronze sur 800 m au jeux Olympiques de Rio en 2016, Margaret Wambui (24 ans) fait partie des athlètes avec une différence du développement sexuel (DSD) à qui la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) demande, depuis le 8 mai, de prendre des médicaments pour abaisser un taux de testostérone élevé.

L’IAAF estime cette règle nécessaire pour maintenir l’équité au sein de la catégorie féminine, considérant un taux élevé de testostérone comme un avantage injuste, permettant notamment un accroissement de la masse musculaire semblable à celui des hommes à la puberté.

« Pourquoi quand des hommes ont des taux élevés de testostérone susceptibles de les faire gagner, on s’en réjouit ? Mais quand il s’agit de femmes, on leur dit qu’elles doivent les faire baisser et on les retire de la compétition. Pourquoi ? », demande Margaret Wambui lors d’un entretien exclusif à l’AFP dans un stade d’entraînement de la commune de Ngong, en périphérie de Nairobi.

« Et pourquoi on ne prendrait pas les hommes avec de faibles niveaux de testostérone et on les basculerait dans la catégorie féminine? ».

– « Je ne suis pas malade » –

De retour d’un meeting de la Ligue de Diamant à Doha (Qatar) où elle a terminé à une décevante 6e place sur le double tour de piste, elle dit ne pas savoir si elle se rendra à une compétition organisée la semaine prochaine à Nanjing, en Chine.

Au cœur du débat juridique, scientifique et médiatique autour des athlètes hyperandrogènes figure la Sud-africaine Caster Semenya, star du 800 m qui avait gagné la médaille d’or à Rio et a été récemment déboutée de son recours contre l’IAAF par le Tribunal arbitral du sport (TAS).

L’affaire n’est toutefois pas terminée, l’Afrique du Sud ayant annoncé lundi son intention de faire appel du jugement du TAS.

La nouvelle règle de l’IAAF s’applique aux courses allant du 400 m au mile (1.609 m). Wambui n’imagine pas un instant s’essayer au 5.000 m pour y échapper, évoquant les qualités très différentes requises pour briller sur cette distance.

« Je ne vais pas prendre des médicaments, parce que je ne suis pas malade (…) et ces produits chimiques que vous ingérez, vous ne savez pas quels effets ils peuvent avoir à long terme », ajoute-t-elle, en écho à une réserve émise par le TAS sur des effets secondaires méconnus.

L’athlète de 23 ans se demande si créer plusieurs catégories pourrait être « une bonne idée pour rendre les choses plus justes ».

– ‘Nous nous sentons rejetées’ –

Originaire de Nyeri, dans le centre du Kenya, Wambui a commencé à faire parler d’elle en décrochant l’or sur 800 m aux Mondiaux juniors en 2014. Depuis, elle s’est affirmée comme l’une des meilleures athlètes au monde sur la distance.

La course, « c’est en moi, dans mon sang, c’est quelque chose dont je ne peux me passer », confie-t-elle. « Maintenant ils nous disent que nous ne pouvons plus faire de compétition, nous nous sentons juste rejetées. Nous sommes juste comme la nature nous a faites, nous ne nous sommes pas dopées. »

Grande et à la musculature saillante, avec des cheveux tressés et un sourire timide, Wambui assure qu’elle n’avait jamais eu à faire face à des questions sur son genre avant que l’IAAF ne commence à se pencher sur le cas des athlètes hyperandrogènes.

Elle explique avoir déjà subi des tests antidopage, mais ne pas savoir si certains de ces tests étaient destinés à déterminer son taux de testostérone.

« Je suis inquiète maintenant pour ma carrière », poursuit-elle, ajoutant que la pression se fait aussi sentir sur sa famille, pour laquelle elle est la principale source de revenus.

La semaine passée, la Fédération kényane (AK) a écarté Maximilla Imali, championne nationale du 100 m et 200 m, et Evangeline Makena, coureuse de 400 m, de la sélection pour les Mondiaux de relais le weekend dernier au Japon, car elles présentaient des taux élevés de testostérone.

Wambui dénonce le manque de soutien des autorités kényanes, là où la Sud-africaine Caster Semenya est soutenue par tout un pays. « Nous aimerions entendre quelque chose venir de notre gouvernement », dit-elle.

Mais AK soutient l’IAAF: « Ca a été un problème sous-jacent avec nos propres athlètes qui se plaignaient d’avoir à courir avec ces femmes présentant un excès de testostérone », justifie auprès de l’AFP un responsable d’AK, Barnabas Korir.

« Il faut être réaliste et voir que ces athlètes avaient un avantage sur les autres », estime-t-il.

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