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Incendie du musée brésilien: une « perte irréparable » aussi pour les Indiens

José Urutau, indien de l’ethnie Guajajara, a assisté impuissant à l'incendie du Musée national de Rio de Janeiro, où il…

José Urutau, indien de l’ethnie Guajajara, a assisté impuissant à l’incendie du Musée national de Rio de Janeiro, où il était chercheur. Dans un entretien à l’AFP, il déplore une « perte irréparable ».

Les peuples autochtones « sont victimes d’attaques successives depuis 1500 (date de l’arrivée des premiers navigateurs du Portugal) et cet (incendie) porte atteinte à notre mémoire et à notre langue. La culture de tout un peuple a été exterminée », affirme-t-il.

Le Musée national de Rio recelait 20 millions de pièces de valeur, dont 40.000 objets de 300 peuples natifs du Brésil.

L’ancien palais impérial abritait également le Centre de Documentation des langues indigènes (Celin), qui contenait selon lui « la plus grande collection sur ces langues, au niveau national et international ».

José Urutau habite le « village Maracana », en face du mythique stade de Rio, sur les lieux de l’ancien Musée de l’Indien. L’édifice a failli être démoli lors des travaux de rénovation du Mondial-2014, il est aujourd’hui occupé par une quarantaine de familles.

Ce lieu se trouve à moins d’un kilomètre du Musée national et José Urutau n’est pas près d’oublier le moment où il a vu son patrimoine partir en fumée, dimanche soir.

« Nous étions en plein rituel, nous chantions et dansions, quand nous avons vu le musée dévoré par les flammes. Nous avons pris des seaux et nous sommes allés là-bas en pensant que nous pourrions éteindre le feu », se souvient-il.

Le leader indien compare même l’impact de cette tragédie à celui de la « première invasion européenne de 1500 » au Brésil.

« Ces collections représentaient 500 ans de mémoire, c’est une perte irréparable et incalculable », dénonce-t-il.

« C’est comme si nous avions été assassinés à nouveau, l’assassinat de notre langue, de notre culture, de notre mémoire », ajoute José Urutau, en référence aux nombreuses persécutions de populations autochtones du Brésil au fil des siècles.

« Du point de vue de la préservation de la mémoire et de la culture des peuples indigènes, c’est une tragédie sans précédent », renchérit pour l’AFP Wallace Moreira Bastos, président de la Fondation de l’Indien (Funai), organisme public dépendant du ministère de la Justice.

« Nous essayons de réfléchir à la marche à suivre, mais c’est impossible de récupérer tout ce qui a été perdu », conclut-il.

– Nouveau sanctuaire –

Pour José Urutau, le « village Maracana » peut devenir un nouveau sanctuaire. Il rêve d’y voir poursuivre les recherches menées jusqu’ici au Musée national.

L’espace de 800 m2, revendiqué comme « territoire indigène », est occupé depuis 2006.

Il a bien failli être rasé pour devenir un parking avant le Mondial-2014, mais le projet a été annulé par les autorités, après de nombreuses manifestations.

Le Musée de l’Indien, installé dans une grande bâtisse à côté du stade, avait déjà été transféré dans le quartier de Botafogo, à une dizaine de kilomètres de là, dans les années 70, mais les peuples autochtones continuaient à y voir un symbole de résistance en plein Rio.

« Nous manquons de moyens, mais nous pourrions utiliser cet espace pour accueillir un centre d’éducation indigène, pour y étudier les langues, l’anthropologie et les droits des autochtones », explique le leader indien.

Wallace Moreira Bastos n’écarte pas cette idée, mais considère que le musée de l’Indien à Botafogo « est peut-être le plus indiqué pour continuer ce travail ».

Fermé au public depuis 2016, justement « en raison de travaux d’adaptation visant à assurer la sécurité », y compris un « projet de prévention contre les incendies », ce musée continue d’être utilisé comme lieu de recherche, explique la directrice adjointe Arilsa Almeida.

Selon les chiffres officiels, quelque 800.000 Indiens de 305 ethnies vivent au Brésil, un pays de 209 millions d’habitants.

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