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Irak: des déplacés renvoyés dans leur région d’origine, des ONG inquiètes

Des centaines de déplacés par les violences en Irak, dont une majorité de femmes et d'enfants, ont été renvoyées mercredi…

Des centaines de déplacés par les violences en Irak, dont une majorité de femmes et d’enfants, ont été renvoyées mercredi d’un camp du nord du pays vers leur région d’origine, en dépit des inquiétudes soulevées par des ONG sur leurs futures conditions de vie.

Originaires de Hawija (nord), ces personnes avaient fui il y a plusieurs années en raison des combats avec le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et trouvé refuge dans le camp Hammam al-Alil, à 150 km plus au nord.

Mercredi, des responsables et des membres des forces de sécurité irakiennes ont accompagné les déplacés vers plus d’une dizaine de bus blancs frappés de l’emblème du ministère irakien des Transports.

Des femmes en robes noires et de jeunes enfants portant quelques affaires personnelles attendaient devant les bus, certains en pleurant, tandis que des responsables vérifiaient si leurs noms figuraient sur une liste de personnes devant quitter le camp de déplacés de Hammam al-Alil.

« Nous sommes renvoyés chez nous. Je vais peut-être devoir vivre dans un camp là-bas parce que ma maison a été détruite », se désole Oum Hikem, une femme de 65 ans ayant vécu pendant deux ans dans le camp de Hammam al-Alil.

« Nous ne savons pas ce qu’il va nous arriver », poursuit-elle.

Plus de 150 familles, soit environ 550 personnes, doivent être transférées vers la province de Kirkouk (nord), selon Ali Khodr, un responsable provincial chargé de mener ces rapatriements.

« Il y a quelques jours, 35 familles ont été renvoyées vers la province d’Al-Anbar (ouest). Nous travaillons sur le retour du reste des déplacés vers leurs provinces d’origine », a-t-il expliqué à l’AFP.

Deux ans après que Bagdad a proclamé la victoire sur les jihadistes de l’EI, plus de 1,6 million de personnes déplacées par les combats vivent toujours hors de leur région d’origine.

Certaines vivent dans des camps, d’autres dans des structures temporaires ou des appartements loués dans d’autres régions d’Irak.

– « Ouvrir de nouvelles blessures » –

Le gouvernement veut que tous les déplacés rentrent chez eux et que les camps soient fermés mais beaucoup de zones qui ont été ravagées par les combats contre l’EI sont toujours dévastées et manquent cruellement de services publics.

Après des heures à attendre sous un soleil de plomb, les bus se sont finalement dirigés vers Hawija, selon le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) qui gère le camp de Hammam al-Alil.

L’ONG est très préoccupée par la situation, a déclaré Tom Peyre-Costa, son coordinateur pour la presse.

Les déplacés risquent de se retrouver sans domicile –le leur ayant été détruit– et craignent de possibles représailles de la part de leur communauté qui pourrait les suspecter d’éventuels liens avec l’EI, estime-t-il.

« Ils ont peur et la plupart des familles de Hawija qui partent aujourd’hui sont sans-papiers », a-t-il déclaré à l’AFP.

« Rentrer chez eux sans documents signifie qu’ils n’auront accès à rien, les enfants ne seront pas autorisés à aller à l’école, ni à recevoir des soins ou de la nourriture », a-t-il poursuivi.

M. Peyre-Costa a exhorté le gouvernement à redoubler les efforts pour favoriser la réconciliation dans les anciennes zones de combat où les populations se sont affrontées entre elles.

« On a l’impression qu’ils veulent faire cicatriser les plaies du conflit trop vite et en faisant cela, ils ouvrent de nouvelles blessures », a-t-il souligné.

L’ONG de défense des droits humains Amnesty International a pour sa part qualifié ces retours de « prématurés » et demandé aux autorités irakiennes d’interrompre ces renvois.

« Les autorités irakiennes ont toujours assuré que tous les retours étaient volontaires. Ce changement soudain de politique est inquiétant et contraire (…) au droit international humanitaire », a regretté la directrice d’Amnesty pour le Moyen-Orient, Lynn Maalouf.

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