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Jacques et Bernadette Chirac, plus d’un demi-siècle à l’épreuve du pouvoir

Jacques Chirac, mort jeudi à l'âge de 86 ans, formait avec son épouse Bernadette le couple présidentiel le plus politique…

Jacques Chirac, mort jeudi à l’âge de 86 ans, formait avec son épouse Bernadette le couple présidentiel le plus politique de la Ve République, résultat de plus d’un demi-siècle de conquête et d’exercice du pouvoir.

« Ce n’était pas qu’un mariage d’amour, mais un mariage d’ambition », a d’ailleurs reconnu en 2015 la seule première dame à avoir exercé une véritable carrière politique, pendant plus de 40 ans.

Novembre 2014, musée du Quai Branly à Paris : c’est la dernière sortie publique d’un Jacques Chirac déjà très diminué, constamment appuyé sur l’épaule d’un garde du corps. Le président François Hollande rend hommage à son prédécesseur, qu’il a affronté à plusieurs reprises sur ses terres corréziennes. Bernadette, elle, omet ostensiblement de serrer la main d’Alain Juppé.

Quelques semaines auparavant, elle a même osé s’en prendre au protégé de son mari, qui vient de se déclarer pour 2017 : « qu’est-ce qu’Alain Juppé a à voir avec Nicolas Sarkozy ? Il est très, très froid et il n’attire pas les gens, les amis, les électeurs éventuels ». Quasi muet depuis 2007, Jacques Chirac vole aussitôt au secours du « meilleur d’entre nous » : « j’ai toujours su qu’Alain Juppé serait au rendez-vous de son destin et de celui de la France ».

Tel était le couple Chirac : plus qu’un « simple » duo présidentiel, un véritable couple politique. Ce qui a fatalement pu entraîner des désaccords. « Heureusement qu’on vous a », lançait-elle déjà à Nicolas Sarkozy en 2004, entre les deux tours d’un scrutin régional calamiteux pour la droite, alors que son président de mari n’a jamais pardonné la trahison Balladur, à celui qu’il considéra un temps comme son fils.

Bernadette Chirac n’a pas été une « première dame » comme les autres. Elue dès 1971 conseillère municipale de Sarran, devenue en 1979 la première femme conseillère générale de Corrèze, elle a exercé un mandat local jusqu’en… 2015.

– « Les filles, ça galopait… » –

Pour autant, sa notoriété nationale n’a rien d’évident à l’accession de son mari à l’Elysée en 1995. L’épouse discrète, fille d’une famille de diplomates du XVIe arrondissement, mariée en 1956 avec ce talent prometteur rencontré à Sciences-Po, est d’abord une femme effacée, reléguée dans l’ombre par sa fille Claude, qui règne alors sans partage sur la communication de son père. Son émancipation n’en est que plus spectaculaire.

Confidences conjugales savamment distillées dans un livre d’entretiens avec Patrick de Carolis (« Les filles, ça galopait, je les connais toutes »), succès fulgurant de son « opération pièces jaunes » (dont elle a passé le flambeau à Brigitte Macron en juin dernier), sorties de terrain en veste treillis Dior époque Galliano : en 2002, la première dame reléguée devient un des principaux artisans du maintien de son mari à l’Elysée. On lui prête même d’avoir été la seule à l’avertir du danger Jean-Marie Le Pen, qu’il affronta au second tour.

Sous la saga politique percent cependant les drames familiaux : l’anorexie de la fille aînée Laurence, dont le décès soudain en avril 2016, à 58 ans, a bouleversé le clan. « Le drame de ma vie », avait confié un jour le pudique Jacques Chirac… « Souffrance » d’une mère et « très grande solitude des familles » face à la maladie, avait renchéri Bernadette.

Quelques mois plus tard, en septembre 2016, Bernadette et Jacques Chirac avaient été tous deux hospitalisés à quelques jours d’intervalle à la Pitié-Salpetrière, lui pour une infection pulmonaire, elle « pour récupérer un peu ».

La vie politique de Jacques Chirac, diminué depuis son accident vasculaire cérébral de 2005, s’était arrêtée en 2007 avec son départ de l’Elysée. Avant d’exprimer son soutien public à Alain Juppé, l’ancien président n’avait dérogé au silence observé depuis sur la scène politique qu’une seule fois : en clamant, devant les caméras et sous les sourires gourmands de l’intéressé, qu’il voterait pour François Hollande en 2012. « Humour corrézien » s’était empressé de minimiser son « entourage ».

Bernadette, elle, avait continué son activité politique.

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