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Kenya: les leçons du Westgate pour contrer le commando du Dusit

La réponse des services de sécurité kényans à l'attaque coordonnée du complexe Dusit à Nairobi, louée pour son efficacité par…

La réponse des services de sécurité kényans à l’attaque coordonnée du complexe Dusit à Nairobi, louée pour son efficacité par la presse kényane, offre un contraste saisissant avec celle, catastrophique, du centre commercial Westgate en 2013.

Rapidité de réaction, chaîne de commandement unique, procédures en place pour la prise en charge des rescapés et le confinement du site attaqué: la gestion de l’attaque du Dusit souligne en creux les leçons tirées du fiasco du Westgate (67 morts) et les mesures prises, depuis, au sein de l’appareil sécuritaire kényan.

« C’est une opération qui apparaît bien menée », résume un analyste sécuritaire régional qui a requis l’anonymat.

« D’un point de vue purement opérationnel, si le bilan reste comme il est (21 morts et 28 blessés), ça tient presque du miracle. On sait à quel point c’est compliqué, même avec des gens super entraînés », résume cette source, qui souligne également la difficile configuration du complexe Dusit avec ces différents immeubles, allées et parkings.

Depuis le Westgate, « à tous les échelons, nous avons vu beaucoup plus de sérieux dans tous les compartiments de la lutte antiterroriste, tant pour la prévention que pour la réponse » opérationnelle, renchérit Matt Bryden, directeur du centre de réflexion Sahan, installé à Nairobi.

Des journalistes de l’AFP ont couvert de l’intérieur les deux attaques et autant les premières heures de l’opération des islamistes somaliens shebab contre le Westgate sont marquées par la confusion la plus totale, autant le déploiement des forces de police et le bouclage du complexe DusitD2 se sont faits de manière globalement ordonnée et rapide.

Un point commun: à chaque fois, ce sont des policiers en civil ou des membres de la communauté indienne détenteurs d’un port d’arme qui les premiers interviennent et s’efforcent de mettre en sécurité les civils pris au piège. Au Dusit, de nombreux Occidentaux lourdement armés sont également présents au début de l’opération, certains employés de sociétés de sécurité privée.

– Unités d’élite et déminage –

Très vite, des unités d’élite de la police kényane prennent le relai. Des policiers rattachés à la présidence sont ainsi visibles sur les lieux très rapidement.

Les hommes en noir de l’unité antiterroriste de la police (ATPU) et les bérets rouges d’une unité paramilitaire de la police, la General Service Unit (GSU), se déploient dans la foulée. Le déminage est également présent. Matt Bryden souligne l’effort important de formation et d’équipement de ces unités depuis 2013.

Simultanément, le périmètre est bouclé et sécurisé, quand il avait fallu attendre la soirée au Westgate, où l’attaque avait débuté à l’heure du déjeuner, pour que le site soit proprement isolé.

Dans les heures précédentes, les forces de l’ordre étaient apparues totalement désorganisées.

Des badauds avaient même demandé à des policiers venus des commissariats voisins, et qui restaient à l’extérieur du centre commercial alors que la fusillade faisait rage, de leur prêter leurs armes pour aller sauver des vies, se souvient un journaliste de l’AFP.

De même, les clients et employés qui étaient parvenus à fuir le centre commercial s’étaient évaporés dans la nature, sans être soumis à une vérification d’identité. A contrario, nombre des 700 personnes évacuées du complexe Dusit ont été enregistrées avant de pouvoir retrouver leur proches à l’extérieur du périmètre de sécurité.

Une raison principale à cela: s’assurer qu’aucun membre du commando ne profite de ces évacuations pour s’échapper.

– Attentats déjoués –

Au final, les forces de sécurité kényanes sont venues à bout mercredi des cinq hommes du commando du Dusit moins de 20 heures après le début de l’attaque, quand il avait fallu quatre jours pour déclarer la fin de l’attaque en 2013.

Toujours au Westgate, les opérations étaient conjointement menées par l’armée et la police, entraînant d’importants problèmes de coordination. Mardi et mercredi, les unités déployées ont répondu au commandement unique de la GSU.

Plus de cinq ans séparent les deux attaques: pendant ce temps, les services de sécurité kényans ont été réorganisés, les unités d’élite beaucoup mieux formées et un effort particulier a été mis sur le partage et l’exploitation du renseignement.

« Avant, il y avait les renseignements de KDF (l’armée), ceux du NIS (le service national de renseignement) et au moins une autre unité au sein de la police. Donc il y avait au moins trois agences qui faisaient du renseignement mais qui ne communiquaient pas vraiment entre elles », explique l’analyste sécuritaire.

M. Bryden précise: depuis le Westgate, le Centre national de contre-terrorisme, où sont centralisés les renseignements, a été remanié et installé au coeur du pouvoir, à la présidence, ce qui lui confère plus de poids.

Le chercheur et l’analyste confirment tous deux que ces efforts ont permis de plusieurs attentats ces dernières années sur le sol kényan.

Mais « à partir du moment où on sait qu’ils (les shebab) essayaient, encore et encore, je pense qu’il était inévitable qu’ils trouvent un jour la faille » en dépit de tous les progrès accomplis, conclut M. Bryden.

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