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La Belgique atteinte par la radicalisation du discours sur l’immigration

La chute du gouvernement belge de coalition est la conséquence d'un durcissement "stratégique" des nationalistes flamands sur l'immigration à l'approche…

La chute du gouvernement belge de coalition est la conséquence d’un durcissement « stratégique » des nationalistes flamands sur l’immigration à l’approche des élections, une attitude qui les a conduits à refuser le pacte de l’ONU soutenu par le Premier ministre, selon des experts.

La Belgique, rappellent-ils, n’est pas le seul pays européen où ce texte, destiné à renforcer la coopération mondiale sur les migrations, a été brandi comme un repoussoir par des partis nationalistes.

Mais à ce stade, aucun autre Etat de l’UE n’a connu une crise d’une telle ampleur, ayant abouti mardi soir à une démission de Premier ministre.

Le gouvernement conduit depuis 2014 par le libéral francophone Charles Michel était devenu minoritaire le week-end des 8-9 décembre avec le départ des ministres de la N-VA, le grand parti nationaliste flamand.

Et dix jours de tractations politiques ne lui ont pas permis de retrouver une majorité sur laquelle s’appuyer au Parlement, d’ici aux élections législatives du 26 mai (qui coïncideront en Belgique avec les européennes).

Pour Pascal Delwit, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles, « on est d’abord dans une stratégie politique et électorale de la N-VA à l’horizon des scrutins de mai ».

Tout est parti, explique-t-il, des élections locales du 14 octobre, et des pertes de voix subies sur sa droite par la N-VA au profit du Vlaams Belang, parti indépendantiste lui aussi, assumant un clair positionnement anti-immigration.

« Dès lors la N-VA a choisi de réendosser une posture plus dure sur les questions ethniques, et le pacte a été l’élément central de ce repositionnement stratégique », ajoute M. Delwit.

– « Effervescence identitaire » –

« Je pense que la N-VA, depuis ces élections, est devenue la marionnette du Vlaams Belang », a abondé Denis Ducarme, un ministre libéral du gouvernement démissionnaire interrogé mercredi par la chaîne francophone RTBF.

De son côté, le politologue flamand Dave Sinardet juge que la N-VA a ignoré délibérément tout moyen de sortir de la crise sur le pacte, qui était latente depuis six semaines entre partenaires de la coalition.

« Si la N-VA avait vraiment voulu être constructive, on aurait trouvé une solution », a-t-il affirmé au quotidien La Libre Belgique.

M. Sinardet a rappelé que d’autres pays de l’UE tels les Pays-Bas et le Danemark avaient connu des débats houleux sur le texte onusien, sans pour autant remettre en cause son approbation (qui doit être bouclée au cours d’une ultime ratification par l’Assemblé générale de l’ONU ce mercredi).

Non contraignant et réaffirmant la souveraineté des États dans la conduite de leur politique, ce pacte pour une migration « sûre, régulière et ordonnée » avait été adopté en juillet à l’unanimité moins les Etats-Unis.

M. Delwit rappelle qu' »il n’y avait pas de problème majeur autour du texte », négocié depuis des mois en coulisses. La Belgique, assure-t-il, avait même obtenu certaines modifications demandées sur le regroupement familial.

Et puis soudainement le vent a tourné à l’automne, particulièrement au centre et à l’est de l’Europe où ce pacte a été accusé de consacrer un « droit à la migration ».

Le journal flamand De Standaard a estimé mercredi que « l’effervescence identitaire qui fragmente l’Europe » avait atteint la Belgique, « inondant » même la rue de la Loi à Bruxelles, le coeur du pouvoir belge.

« La Flandre n’échappe pas à la dynamique qu’on observe partout en Europe », fait valoir M. Delwit en faisant une distinction entre les deux côtés de la frontière linguistique en Belgique.

Au nord, côté néerlandophone, « le niveau d’ethnocentrisme est assez élevé (…), il s’adosse, comme en France ou en Autriche, à cette idée d’une nation qui serait un organe vivant attaqué de l’intérieur par les immigrés qui viennent casser nos valeurs, nos traditions ».

Mais « ce n’est pas un phénomène nouveau », nuance le politologue de l’ULB.

Il rappelle que le Vlaams Belang (ex-Vlaams Blok), qui pèse aujourd’hui 12% de l’électorat flamand, avait atteint les 24% aux élections régionales de 2004.

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