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La Colombie vote dimanche sur la lutte contre la corruption

Quand il est question de corruption en Colombie, cela aboutit toujours à parler de politique. Les deux thèmes sont si…

Quand il est question de corruption en Colombie, cela aboutit toujours à parler de politique. Les deux thèmes sont si liés que dimanche les électeurs sont appelés à se prononcer lors d’une consultation qui vise à éradiquer ce fléau.

« Etre corrompu en Colombie est aujourd’hui plus rentable qu’être narco-trafiquant », affirme l’ex-sénatrice Claudia Lopez, initiatrice de la consultation dans ce pays premier exportateur mondial de cocaïne.

Dirigeante du Parti Vert (opposition), elle a promu, lors de la précédente législature, cette proposition qui a reçu le soutien de trois millions de signatures avant d’être approuvée définitivement cette année par le Sénat.

« Nous allons avoir l’opportunité (….), via un vote populaire, de donner au Congrès un mandat obligatoire pour que, dans un délai maximal d’un an, il adopte des mesures anti-corruption qui jusque là ont toujours été noyées » sous d’autres travaux parlementaires, a déclaré Claudia Lopez à l’AFP.

Bien que la corruption soit un monstre multicéphale, la consultation -qui devra d’abord vaincre une forte abstention chronique- vise directement la classe dirigeante, alors que résonne encore en Amérique latine le scandale des pots-de-vin versés par le groupe de BPT brésilien Odebrecht.

L’initiative suscite toutefois des doutes quant à son efficacité pour extirper un « mal endémique qui s’est incrusté dans la société colombienne » comme l’a qualifié l’ancien magistrat Juan Carlos Henao, recteur de l’Université Externado, qui ces jours derniers a présenté une investigation en quatre tomes sur la corruption.

– Quelles propositions? –

La consultation anti-corruption porte sur sept mesures allant d’une baisse des salaires des hauts fonctionnaires et parlementaires, jusqu’à la suppression des peines d’assignation à résidence au lieu de prison, en passant par le gel des biens des condamnés. Aujourd’hui, un parlementaire reçoit l’équivalent de 10.000 dollars par mois et la diminution serait de 37%, à environ 6.500 dollars.

Elle prévoit aussi la restriction du droit à la réélection pour les mandats politiques (hormis celle de président de la République déjà limitée à deux mandats) et l’obligation pour les parlementaires de rendre des comptes.

Actuellement, les élus « bénéficient de la possibilité de réélection illimitée, ne rendent pas de comptes, ont le monopole de la gestion des budgets publics sans contrôle des citoyens », déplore Claudia Lopez.

Il est également proposé qu’une entreprise condamnée pour corruption ne puisse signer de contrats avec l’Etat.

Les chiffres démontrent que la Colombie a perdu au moins 4% de PIB à cause de la corruption entre 1991 et 2011, soit environ trois milliards de dollars au cours actuel, précise l’étude de l’Université Externado.

Dans l’Indice de perception de la corruption, publié chaque année par l’ONG Transparency International, la Colombie n’est que 96e sur 180 pays. Au cours des 18 derniers mois, le Parquet a poursuivi environ 2.200 personnes pour des cas de corruption au niveau politique local.

Il s’agit aussi d’empêcher « que les ressources publiques soient gaspillées (…) via des accords occultes entre dirigeants et parlementaires (…) en association avec des maires qui leur assurent des votes », souligne le sénateur de gauche Jorge Robledo, autre défenseur de l’initiative.

– Quels défis? –

Pour être approuvée, la consultation devra rallier 12,1 millions de voix (un tiers de l’électorat) dans un pays où l’abstention avoisine traditionnellement les 50%.

Si le quorum est atteint, chacune des sept mesures devra recueillir au moins six millions de « oui » pour être validée.

Un sondage de l’institut Datexco prévoit toutefois pour dimanche une importante participation.

Si l’initiative est soutenue par le nouveau président de droite Ivan Duque, en fonction depuis le 7 août, elle suscite le scepticisme d’experts et des réserves du parti au pouvoir, à commencer par son leader, l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010).

L’avocat Francisco Bernate, professeur de l’Université du Rosario, estime que « presque tout ce que prévoit la consultation existe déjà, et que le problème n’est pas le manque de règles, mais de ressources pour que la justice les fasse respecter », a-t-il précisé à l’AFP.

Cependant, pour le sénateur Robledo « bien qu’il existe des règles qui semblent similaires » à celles proposées, elles ont été « habilement rédigées pour ne pas être coercitives, et sans les crocs nécessaires pour être utiles ».

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