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La diaspora roumaine, vivier électoral courtisé

Une icône accrochée au mur, des vêtements sur la corde à linge, une table et deux chaises sur la terrasse:…

Une icône accrochée au mur, des vêtements sur la corde à linge, une table et deux chaises sur la terrasse: à Paraiesti, dans le centre de la Roumanie, tout laisse penser que les propriétaires se sont brièvement absentés.

Mais les apparences sont trompeuses: la maison est abandonnée, comme une habitation sur deux dans ce hameau de 250 âmes. Les piliers en bois sculpté craquent, les toits s’effondrent, les mauvaises herbes envahissent les cours.

« Il reste très peu de gens dans cette rue, ils sont partis ou sont morts », observe Viorica Balasoiu, 70 ans, qui vit seule dans sa maison au sommet d’une colline.

L’hémorragie démographique qui affecte la Roumanie et les anciens pays du bloc communiste depuis le retour de la démocratie et l’ouverture des frontières, en 1989, n’est pas prête de s’arrêter: selon le site de recrutement eJobs, les Roumains ont déposé deux millions de demandes d’emploi à l’étranger depuis le début de l’année.

Ceux qui partent sont de plus en plus diplômés, affirme le PDG de eJobs Roumanie, Bogdan Badea.

La diaspora roumaine compte déjà 4 millions de personnes, pour un pays de 20 millions d’habitants, partis travailler en Europe de l’ouest ou outre-Atlantique pour de meilleurs salaires que chez eux.

A chaque élection, ces Roumains de l’étranger, qui ont envoyé à leurs familles près de trois milliards d’euros en 2018, sont courtisés par les candidats. Le premier tour de l’élection présidentielle qui se tiendra dimanche ne fait pas exception.

– Files d’attente –

Le vote de ces émigrés peut en effet changer le résultat, comme cela fut le cas en 2009, lorsque 100.000 voix venant de la diaspora ont donné la victoire au candidat de centre droit Traian Basescu, devant celui de la gauche Mircea Geoana.

Lors de précédents scrutins, les longues files d’attente devant les bureaux de vote dans les capitales occidentales ont suscité une vague de colère chez les électeurs et coûté leur poste à deux ministres successifs des Affaires étrangères, accusés d’avoir mal organisé le vote.

Pour cette présidentielle, le nombre de bureaux à l’étranger a été multiplié par trois et les émigrés ont trois jours pour voter.

Faire revenir ces forces vives au pays est l’un des rares sujet de consensus entre les principaux candidats à la magistrature suprême.

« Votre avenir est en Roumanie », a lancé ces derniers jours le président sortant de centre droit Klaus Iohannis, donné vainqueur au second tour du 24 novembre. Le message est le même chez la candidate de gauche et ex-Première ministre Viorica Dancila, ou chez le jeune loup de la politique, Dan Barna, chef du parti centriste USR. Ces deux derniers devraient se disputer la seconde place.

Malgré ces appels, le nombre de ceux qui souhaitent rentrer est en baisse, passé de 57% en 2017 à 47% cette année, selon une enquête réalisée par l’institut de sondages Open-I Research auprès de 1.810 Roumains émigrés.

– Rester quand même –

La première cause du refus est le niveau de corruption dans leur pays natal. De nombreux expatriés ont participé durant leurs vacances en Roumanie aux manifestations qui ont ponctué les presque trois années de mandat des sociaux-démocrates accusés de vouloir mettre à mal l’indépendance de la justice.

Le gouvernement de gauche est tombé le 10 octobre, remplacé par un cabinet de centre-droit.

Adrian, 43 ans, travaille six mois par an dans le bâtiment en Grande Bretagne. Avec l’argent mis de côté il a construit une maison à Albesti, dans le centre de la Roumanie, et espère que cette villa moderne incitera sa fille, encore jeune, à rester au pays.

Si la Roumanie connaît une croissance économique dynamique, le salaire moyen plafonne à 647 euros net par mois avec des disparités régionales très fortes. Le pays compte trois des régions les plus pauvres de l’UE.

Aux confins de Paraiesti, Nicolae Ion ne veut pas s’en aller.

« La pauvreté me dit de partir mais alors la forêt envahira ces lieux », confie cet homme âgé de 42 ans, dont la soeur et le frère travaillent en Europe de l’ouest. « Avant, quand j’allais acheter du pain je rencontrais plusieurs enfants, aujourd’hui c’est fini », dit-il amer.

Dans la cour de récréation envahie d’herbes, deux chevaux paissent. Aucun élève ne viendra les déranger, l’école a fermé il y a quatre ans.

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