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La mort mille fois annoncée de Robert Mugabe

Comme le Palestinien Arafat ou l'Algérien Bouteflika, il n'a pas échappé à la règle. Au fur et à mesure qu'il…

Comme le Palestinien Arafat ou l’Algérien Bouteflika, il n’a pas échappé à la règle. Au fur et à mesure qu’il avançait en âge, le président du Zimbabwe Robert Mugabe a nourri de plus en plus de rumeurs sur sa santé et sur sa mort, annoncée vendredi, à 95 ans.

Au crépuscule de sa vie, avant d’être destitué par un coup de force de l’armée et de son parti en novembre 2017, le plus vieux président en exercice de la planète avait multiplié les voyages discrets à Singapour, Dubaï et ailleurs pour, selon la version officielle, des « examens médicaux de routine » ou des « visites privées ».

Sa santé relevant du secret d’Etat, ses absences prolongées de la capitale Harare ont alimenté d’intenses spéculations sur sa maladie et même sa mort, notamment pendant ses congés annuels réguliers en décembre et en janvier.

Robert Mugabe les a systématiquement démenties avec un mélange de sarcasme, d’humour et de provocation.

« Oui, j’étais mort », a-t-il lancé en 2016 aux journalistes qui lui tendaient leurs micros à son retour de Dubaï. Un site d’information venait alors juste d’annoncer qu’il était décédé en vol. « C’est vrai que j’étais mort. Mais j’ai ressuscité comme je l’ai toujours fait. Lorsque je rentre au pays, je redeviens réel ».

Souvent donné pour mort à tort dans le passé, le chef de l’Etat s’est vanté d’être revenu plus souvent à la vie que Jésus.

« Je suis mort plusieurs fois », s’est-il amusé lors d’un entretien accordé à la télévision à l’occasion de son 92e anniversaire en 2016. « C’est là que j’ai battu le Christ. Il n’est mort qu’une seule fois et n’a ressuscité qu’une seule fois »…

Même s’il donnait chaque année des signes de plus en plus évidents de faiblesse, il défiait volontiers tous ceux qui osaient lui poser la question de son âge. « Je suis frais comme en gardon », a-t-il répondu un jour à un journaliste en bandant un biceps.

« C’est la même chose chaque année », a ironiquement résumé en 2016 son porte-parole, George Charamba. « Il est malade, il meurt et puis il ressuscite. Sa vie (…) ne tourne donc qu’autour de sa maladie et de sa mort ».

– Poids des ans –

Aucun bulletin de santé officiel de Robert Mugabe n’a jamais été publié. Même l’annonce de sa mort, vendredi, n’a été accompagnée dans un premier temps d’aucune information sur la date et le lieu du décès. En 2011, WikiLeaks avait publié un câble diplomatique américain écrit trois ans plus tôt qui affirmait qu’il souffrait d’un cancer de la prostate et n’avait plus que cinq ans à vivre.

Même nonagénaire, le maître absolu du Zimbabwe avait toujours mis un point d’honneur à mépriser son âge en continuant à prononcer les discours-fleuve qui ont fait sa marque de fabrique.

Malgré ces efforts, il cachait toutefois de plus en plus mal le poids de ses années.

Comme en 2015, lorsqu’il est tombé des marches d’un escalier lors d’une cérémonie officielle. Ou quelques semaines plus tard, lorsqu’il a lu deux fois, apparemment sans s’en apercevoir, le même discours devant des députés goguenards.

D’une confiance illimitée en sa résistance physique, Robert Mugabe a refusé catégoriquement de nommer un dauphin de son vivant, arguant que son parti, la Zanu-PF, l’avait toujours reconduit dans ses fonctions.

Fin 2016, son mouvement l’avait investi pour la énième fois comme son candidat à l’élection présidentielle de 2018. Il n’y participera jamais car en novembre 2017, il est chassé du pouvoir par son parti et l’armée.

Lors des fêtes de son 93e anniversaire, il avait exceptionnellement évoqué publiquement des doutes sur sa longévité.

« Ce n’est pas toujours facile de prédire que, comme vous êtes en vie cette année, vous le serez encore l’année suivante », a confié Robert Mugabe. « Cela ne change rien de se sentir en bonne santé. La décision de continuer à vivre et à profiter de la vie relève d’un seul personnage que l’on nomme Dieu tout-puissant ».

Le vieux président avait même laissé transparaître une pointe de tristesse et de solitude face à la mort de ses compagnons de route et des membres de sa famille.

« Je me demande pourquoi j’ai vécu si longtemps seul », dira-t-il.

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