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La PMA post-mortem, retoquée à l’Assemblée, de quoi parle-t-on?

L'Assemblée a rejeté de justesse jeudi au terme d'un long débat l'autorisation de la PMA post-mortem, avec les gamètes d'un…

L’Assemblée a rejeté de justesse jeudi au terme d’un long débat l’autorisation de la PMA post-mortem, avec les gamètes d’un conjoint décédé. La mesure ne figurait pas dans le projet de loi bioéthique, mais plusieurs députés y étaient favorables, y compris dans la majorité très divisée. Le point sur ce dossier.

. Qu’est-ce que la PMA post-mortem ?

Interdite en France, la procréation médicalement assistée post-mortem est autorisée dans une vingtaine de pays, selon l’Agence de la biomédecine, notamment en Belgique, Espagne ou Royaume-Uni.

Elle consiste à réaliser une PMA après le décès du conjoint, soit via une insémination artificielle avec du sperme congelé, soit via une fécondation in vitro (FIV) en implantant un embryon conçu avec les gamètes du couple et congelé avant le décès de l’homme.

. Que disent les spécialistes ?

Médecins et psychiatres sont partagés. Opposé à l’insémination de sperme post-mortem, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) est en revanche favorable à l’implantation d’embryons après un décès, car le projet parental est déjà engagé. Il pose des conditions, notamment un consentement préalable de l’homme de son vivant et un encadrement dans le temps après le décès.

Sur la même ligne, le gynécologue Israël Nisand soutient l’implantation d’embryons post-mortem. « Pour les quelques cas par an qui vont se présenter (une dizaine a priori), on permettrait à la France de ne pas donner de réponses obscènes » à ces femmes, en détruisant leurs embryons ou en les donnant à d’autres, estime-t-il.

Certains psychiatres sont opposés à la PMA post-mortem comme Pierre Lévy-Soussan, auditionné en commission: « La différence du mort et du vivant ne jouera plus (…) C’est l’enfant qui paye le prix de ce sacrifice-là, la science n’est pas là pour résoudre les problèmes existentiels des adultes ». La psychologue Michèle Vitry redoute « un père fantôme idéalisé » par la mère, ce qui va compliquer la « structuration psychique » de l’enfant.

. Que dit le gouvernement ?

La ministre de la Santé Agnès Buzyn n’y est pas favorable et a insisté sur le « risque pour la construction de l’enfant » et la « vulnérabilité » d’une personne en deuil: « chacun sait que le regard des autres change, on interroge votre amour (…) Comment (ces femmes) pourront-elles résister à la pression sociale, amicale voire familiale qui dirait +si tu l’aimais vraiment, termine ce projet+ ? ».

. Qui était pour à l’Assemblée et pourquoi ?

Une vingtaine d’amendements avaient été déposés par des députés favorables à la PMA post-mortem, issus de la majorité, de l’UDI, de la France Insoumise, des socialistes, un amendement LR n’ayant finalement pas été soutenu.

Ces députés, notamment le co-rapporteur Jean-Louis Touraine (LREM), jugent « paradoxal » d’ouvrir la PMA aux femmes célibataires sans autoriser la PMA post-mortem. Cela reviendrait à autoriser une veuve à utiliser les gamètes d’un donneur anonyme, mais à lui refuser ceux, congelés, de son conjoint défunt.

« C’est une espèce de double deuil qu’on va imposer à une mère », a déploré l’UDI Pascal Brindeau.

Ils s’appuient sur un jugement d’octobre 2016 du tribunal administratif de Rennes, qui avait accédé à la demande d’une Française voulant exporter à l’étranger les gamètes de son mari décédé en vue d’une insémination. Et sur une décision du Conseil d’Etat de mai 2016 autorisant pour la première fois une veuve espagnole à faire transférer le sperme de son mari en Espagne, en vue d’une PMA.

. Qui était contre et pourquoi ?

Les « marcheurs » étaient très divisés. Contre la mesure, Aurore Bergé a notamment convoqué « l’intérêt supérieur de l’enfant, qui aurait à porter un récit particulièrement lourd ».

De nombreux élus LR s’y sont opposés, appelant à ne pas jouer aux « apprentis sorciers ».

Les communistes étaient aussi « réservés », se demandant si ça n’est pas « une extension un peu exorbitante des capacités humaines ».

Les députés ont finalement voté contre les différents amendements, le score le plus serré étant de 60 voix contre 51 pour un amendement LREM, en faveur d’une PMA post-mortem limitée aux embryons.

La PMA post-mortem a été rejetée à chaque révision des lois de bioéthique ces vingt dernières années.

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