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La sexualité des jeunes évoquée au synode au Vatican

"N’ayons pas peur de la sexualité !", a d'emblée lancé jeudi un prélat français au premier jour des débats au…

« N’ayons pas peur de la sexualité ! », a d’emblée lancé jeudi un prélat français au premier jour des débats au Vatican du synode consacré aux jeunes, un appel controversé dans les rangs de l’Eglise, voire tabou dans certains pays.

La sexualité – évoquée en amont par les jeunes comme un sujet incontournable de cette réunion mondiale de près de quatre semaines – est marginalement insérée dans un document de travail de 70 pages qui sert de fil conducteur aux discussions.

Les auteurs du texte parlent néanmoins de « la beauté et la profondeur de la vie affective et sexuelle », tout en s’inquiétant des dangers de « la sexualité précoce, la promiscuité sexuelle, la pornographie numérique, l’exhibition du corps en ligne et le tourisme sexuel ».

Ils reconnaissent aussi un échec d’influence : « les études sociologiques montrent que beaucoup de jeunes catholiques ne suivent pas les indications de morale sexuelle de l’Eglise ». Même le pape François a fait des commentaires positifs sur la cohabitation des jeunes, à condition qu’elle mène au mariage.

Mgr Emmanuel Gobillard, évêque auxiliaire de Lyon (centre de la France), dont l’ intervention a duré quatre minutes, a passé un été à l’écoute des jeunes.

« A l’ouverture de ce synode, il est capital de rappeler combien il est important que nous puissions parler librement de sexualité, que nos jeunes et nos séminaristes puissent être éduqués pour bien éduquer », a-t-il plaidé jeudi devant l’assemblée ecclésiale et le pape François.

« Trop souvent, les jeunes découvrent la sexualité par le prisme de la pornographie (qui les atteint presque tous) ou du silence gêné de générations » précédentes, a regretté Mgr Gobillard, réclamant un changement des « mentalités ». Il faut parler de sexualité et de célibat dans les établissements scolaires, les noviciats, les séminaires, les instituts de formation.

« La sexualité n’est plus un tabou dans l’Eglise mais il est encore difficile d’en parler simplement », avait-il confié à des journalistes à la veille du synode.

La présence de prélats d’Afrique, d’Asie ou du Moyen-Orient, en provenance de pays très pudiques sur la question, complique la donne.

Et une trop grande place accordée à des aspects socio-culturels au détriment des sujets de spiritualité et de morale peut provoquer des étincelles chez certains. L’archevêque américain de Philadelphie, Charles Chaput, a rendu publique une analyse critiquant le document de travail du synode en raison de sa manière de parler des jeunes.

– « Litanie d’interdits » –

« Le fait que le document de travail ne parle pas beaucoup de sexualité, c’est faire en sorte qu’on ne parle que de ça ! », rétorque Mgr Gobillard, 50 ans, plutôt du côté des jeunes du synode.

Sollicitée pour intervenir en septembre 2017 à un séminaire international organisé par le Vatican sur les jeunes, une étape préparatoire au synode, la sexologue française Thérèse Hargot était tombée des nues.

« On a assisté à une série de conférences sur les jeunes et l’engagement politique, les jeunes et l’engagement social, les jeunes et les migrants… Mais pas un mot sur la sexualité, l’amitié, les relations amoureuses, pas une seule intervention sur le thème de l’amour ! », raconte-t-elle dans un récent ouvrage d’entretiens croisés avec Mgr Gobillard, (« Aime et ce que tu veux, fais-le ! »).

« Nous avons décidé de ne pas parler de ces sujets car nous ne voulions pas que cela prenne toute la place dans les échanges et ravive les tensions entre progressistes et conservateurs. Et puis, en tant que religieux, ce n’est pas notre sujet, la sexualité », fut la réponse officielle pendant ce séminaire, lorsque la sexologue s’insurgea.

« L’Eglise est-elle à ce point déconnectée de la réalité ? », s’interroge Thérèse Hargot.

« Le discours de l’Eglise résonne dans nos esprits comme une litanie d’interdits. Et puis, les actes de certains de ses représentants surmédiatisés la discréditent désormais aux yeux du commun des mortels. Notre colère est vive et collective, à la mesure de notre déception », souligne-t-elle, faisant allusion aux scandales d’agressions sexuelles commises par des membres du clergé. « Soit l’Eglise décide de se taire sur ces sujets, soit elle décide de se former ! », assène-t-elle.

Lorsque Mgr Gobillard entra au séminaire en 1989, il se souvient de ses formateurs qui recommandaient aux jeunes séminaristes d’aller « prendre une douche froide » ou « faire un footing ».

Désormais « les choses ont changé en France. Aujourd’hui on parle de sexualité dans des formations aux jeunes prêtres », explique-t-il, même s’il juge globalement qu’il y a un gros rattrapage à faire au sein de l’Eglise

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