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L’A380, un fleuron et un échec commercial, qui a détrôné le Boeing 747

L'A380 a façonné Airbus autant qu'il l'a éreinté financièrement : plébiscité par les passagers, ce fleuron industriel a hissé l'avionneur…

L’A380 a façonné Airbus autant qu’il l’a éreinté financièrement : plébiscité par les passagers, ce fleuron industriel a hissé l’avionneur européen au rang de rival de Boeing sur les gros porteurs, mais il restera un échec commercial.

Airbus a annoncé jeudi la fin de la production de l’A380, entré en service en 2007 et dont les livraisons cesseront en 2021.

« L’A380 a été un coup stratégique qui a placé Airbus sur un pied d’égalité avec Boeing, en détrônant le Boeing 747 », relève Sébastien Maire, expert aéronautique au cabinet Kea & Partners. Avec cet avion, « le Petit Poucet européen s’est transformé en géant mondial de l’aéronautique ».

« C’est le plus gros avion civil jamais construit, fleuron de l’aéronautique, navire amiral d’Airbus, salué à ses débuts comme un prodige industriel, une véritable prouesse technologique, un palace luxueux dans le ciel », poursuit-il.

Mais la fin de l’A380 marque le pari raté d’Airbus, qui n’a pas vu venir le tournant des bi-réacteurs long-courrier de moyenne capacité comme le 787 de Boeing, auquel il a ensuite répliqué avec son A350.

Ces appareils de nouvelle génération ont bouleversé le transport aérien en offrant aux passagers de se déplacer directement d’un point à un autre du globe sans passer par les gros « hubs » (plateformes) desservis par les très gros porteurs.

« Dans les années 90, alors que l’A320 (moyen-courrier, ndlr) connait en vrai succès commercial, Airbus cherche à exister sur tous les segments de marché, à conquérir le monde », rappelle Sébastien Maire.

Il invente alors l’A380 : un avion de très grande capacité, qui surclassera le 747 « Jumbo Jet » de Boeing en tout point.

L’avionneur européen estime à son lancement le marché des avions de plus de 500 places à 1.300 appareils sur vingt ans, en espérant en capter 50% des parts.

« La vérité est que Boeing et Airbus vont souffrir de leur optimisme : le transport aérien tient la croissance prévue mais le marché bascule pour partie vers le point à point », rappelle l’expert.

Les nouveaux appareils long-courrier « raflent une partie du marché des avions de plus de 500 places ».

– Pari risqué –

Las, l’A380 ne connaîtra jamais le succès espéré par Airbus, et le carnet de commande dépasse péniblement les 300 commandes.

Face à ce géant, le 787 « Dreamliner » de Boeing, entré en service en 2009, s’est envolé avec 1.421 exemplaires commandés à ce jour.

Dans une interview au Figaro jeudi, Tom Enders, le patron d’Airbus, a reconnu cette erreur. « En 2000, lorsque la décision de lancer l’A380 a été prise, nous ne savions pas à quoi ressemblerait le marché dix ans plus tard. C’était une décision risquée », a-t-il déclaré.

« Aujourd’hui, « les coûts de l’A380 sont derrière nous. Le groupe est en bonne santé, grâce à l’incroyable succès des autres familles d’avions. Sa survie n’est pas en jeu. »

Airbus, qui avec le rachat du programme CSeries du québécois Bombardier, occupe une place plus centrale que jamais dans l’industrie aéronautique mondiale, pouvait-il agir autrement ?

« C’est une décision courageuse rendue possible par l’arrivée à la tête d’Airbus d’une nouvelle génération de leaders qui porte un regard neuf sur le portefeuille du groupe », répond Philippe Plouvier, directeur associé au cabinet de conseil Boston Consulting Group.

« On loue régulièrement la capacité des entreprises de la nouvelle économie, américaine notamment, pour leur capacité à prendre des décisions rapidement et à expérimenter de nouvelles idées sans complexe, poursuit-il. Il serait mal venu de critiquer Airbus pour avoir exploré une nouvelle frontière de l’aérospatial et de décider maintenant de passer à autre chose. »

Selon lui, Airbus doit s’appuyer sur cette décision pour accélérer. « Ce n’est sûrement pas un échec, dit-il, ce programme a fait avancer l’ensemble du secteur et l’A350 XWB ne serait pas ce qu’il est sans l’expérience de l’A380 », estime-t-il.

« Airbus a deux batailles à livrer et a besoin de toutes ses forces pour l’emporter face à Boeing : celle de la famille 320 et celle de son gros porteur A350 », tranche l’expert pour qui l’A380 « n’était plus la priorité ».

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