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Le Brésil, une démocratie où les pouvoirs s’entrechoquent

Des tribunaux qui légifèrent, des parlementaires qui se comportent en hommes d'Etat et un gouvernement qui cherche à mobiliser la…

Des tribunaux qui légifèrent, des parlementaires qui se comportent en hommes d’Etat et un gouvernement qui cherche à mobiliser la société pour mettre sous pression les institutions: bienvenue au Brésil de Jair Bolsonaro, où les pouvoirs s’entrechoquent.

En mai, des dizaines de milliers de partisans du président d’extrême droite ont manifesté pour réclamer la fin de la « vieille politique » incarnée à leurs yeux par le Parlement, accusé de freiner les réformes du gouvernement.

Peu après, pour faire redescendre la tension, M. Bolsonaro, les présidents des deux chambres et de la Cour suprême (STF) ont annoncé leur intention de signer une trêve, appelée « pacte pour le Brésil ».

Mais ce document n’a jamais été signé, et les hostilités ont repris de plus belle.

« Je respecte toutes les institutions, mais au-dessus d’elles se trouve le peuple, mon maître, et je lui suis loyal », a tweeté cette semaine Jair Bolsonaro en soutien à son ministre de la Justice, l’ancien juge Sergio Moro. Cette icône de la lutte anti-corruption a vu récemment son impartialité mise en cause, notamment dans le procès de l’ancien président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), qui purge depuis avril 2018 une peine de presque 9 ans de prison.

La politique au Brésil est « en train de passer par une transformation profonde et difficile à comprendre (…) Le changement est étroitement lié à la progression du conservatisme dans le monde et d’une droite agressive », décrypte Sylvio Costa, fondateur de Congresso em Foco, un site spécialisé sur le Parlement.

Pour l’instant, le discours anti-establishment des partisans de Bolsonaro s’exprime principalement sur les réseaux sociaux.

« Mais si l’économie continue d’aller mal, il y aura toujours plus de personnes endettées, plus de faillites, et ce scénario peut conduire à des actes irrationnels, désespérés », a ajouté M. Costa à l’AFP, en référence aux 13 millions de chômeurs (12,3%), en plus des 5 millions ayant renoncé à chercher du travail.

– « Reine d’Angleterre? » –

A son arrivée au pouvoir en janvier, Bolsonaro avait promis de gouverner en se passant des partis, trop associés aux affaires qui ont miné la confiance dans les institutions.

Mais rapidement, son gouvernement s’est trouvé paralysé par la lutte de clans entre l’aile ultraconservatrice, portée par les fils du président, et les militaires, qui y occupent une place importante et assurent avoir une vision plus « pragmatique » de l’exercice du pouvoir. A la clé, quatre démissions ou destitutions de ministres en 6 mois.

C’est dans ce contexte que la figure de Rodrigo Maia, le président de la Chambre des députés, a émergé ces derniers temps, au point que certains médias n’hésitent pas à le qualifier de « Premier ministre virtuel ».

Récemment, le Congrès a obligé M. Bolsonaro a revoir sa copie sur certains projets qui lui sont chers, notamment sur l’autorisation du port d’armes, et a apporté des modifications au projet de réforme de retraites qui ont rendu furieux le président.

« Mais qu’est-ce qu’ils veulent? Que je devienne la reine d’Angleterre? », s’est indigné en juin Jair Bolsonaro devant l’activisme du Parlement.

Un rôle difficile à imaginer pour celui qui a déjà admis songer à la prochaine présidentielle de 2022.

Le STF, plus haute instance judiciaire du pays, est un autre lieu de friction entre les pouvoirs.

La haute cour multiplie les décisions, qu’elles soient collégiales ou émanant d’un de ses onze juges aux vastes pouvoirs, dont celui de bloquer un procès pendant des années ou d’accélérer sa tenue.

Le STF a notamment suspendu le transfert de la démarcation des terres indigènes vers le ministère de l’Agriculture, dirigé par une ex-leader de l’agro-business, et a criminalisé l’homophobie, au grand dam des églises évangéliques et des lobbys agricoles, très influents au Parlement.

La Cour suprême « est allée sur le terrain législatif », a critiqué le président suite à la décision sur l’homophobie.

« Il y a de plus en plus de dossiers qui arrivent au STF et qui finissent par combler les vides laissés par les chocs entre pouvoirs », soulignent les juristes Daniel Capecchi Nunes et Luiz Fernando Gomes Esteves, dans un article publié sur le site spécialisé jota.info.

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