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Le Cameroun célèbre sa fête nationale dans la division

Le Cameroun a célébré lundi sa fête nationale dans la division, avec des cérémonies boycottées par l'opposition et un appel…

Le Cameroun a célébré lundi sa fête nationale dans la division, avec des cérémonies boycottées par l’opposition et un appel des séparatistes armés à observer une journée « villes mortes » dans les régions anglophones.

Le président Paul Biya, 86 ans, au pouvoir depuis 1982 et dont les apparitions publiques sont rares, a présidé un défilé civil et militaire sur le boulevard du 20-Mai, à Yaoundé.

« Le Cameroun uni et indivisible à jamais », proclamait une banderole, selon des images de la télévision d’Etat, la CRTV, qui a retransmis la cérémonie en direct.

D’autres célébrations se déroulaient dans les régions. Aucun incident n’avait été signalé à 14H00 GMT.

Baptisée « fête de l’unité », ce rendez-vous annuel intervient dans un contexte socio-politique tendu, marqué notamment par le conflit armé qui sévit dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les deux régions anglophones sur les dix que compte le pays.

Les séparatistes, qui se battent pour la création d’un Etat indépendant dans ces deux régions, ont appelé à deux jours de « villes mortes » les 19 et 20 mai, bannissant toute activité publique pour s’opposer à la tenue de la fête nationale.

A Buea, dans le Sud-Ouest, « les gens ne se sentent pas concernés. Ils n’adhèrent pas à l’idée que c’est la fête nationale », a constaté sous couvert d’anonymat le responsable d’une ONG locale, joint depuis Yaoundé. « Les gens veulent d’abord que le calme revienne, qu’on dialogue ».

– « Sourde oreille » –

Les festivités ont également été marquées par le boycott des deux principaux partis d’opposition.

Le Social Democratic Front (SDF), qui milite pour un retour au fédéralisme mais prenait part à ces célébrations depuis des années, a expliqué qu’il se mettait en marge, par « sympathie avec les Camerounais qui vivent dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et ceux qui souffrent de la grave crise d’insécurité dans les autres parties du pays », notamment dans l’Extrême-Nord où les jihadistes du groupe nigérian Boko Haram sont actifs.

De son côté, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) « ne peut pas célébrer lorsque des Camerounais sont tués pendant que le gouvernement fait la sourde oreille ».

Son président, Maurice Kamto, un avocat de renom, ancien ministre de Paul Biya passé dans l’opposition, officiellement arrivé deuxième à la présidentielle d’octobre 2018, est notamment accusé d' »insurrection » et détenu, avec plus de 150 de ses soutiens et militants, depuis fin janvier.

« Nous vivons des temps très difficiles. Il y a des revendications qui remettent en cause la structure de l’Etat », a souligné l’historien camerounais Emmanuel Tchumtchoua, qui s’inquiète de la montée depuis plusieurs mois d’un discours de haine tribale sur les réseaux sociaux et dans certains médias.

Reconduit lors d’une élection dont les résultats ont été contestés, Paul Biya multiple depuis plusieurs semaines les appels à la tolérance et à l’unité.

Son compte tweeter affiche ainsi de nombreux messages, en français et en anglais, appelant à l’unité nationale, un registre qui lui est inhabituel et qui pourrait être le signe d’un changement d’attitude.

– « Urgence » humanitaire –

« Recherchons dans nos différences ce qui peut nous enrichir mutuellement et nous unir davantage », a ainsi écrit dimanche le président. « N’opposons pas des Camerounais entre eux. N’opposons pas anglophones et francophones… », demandait-il la veille.

Le Premier ministre Joseph Dion Ngute a effectué au début du mois une tournée dans les régions anglophones, assurant que le pouvoir était prêt au dialogue pour résoudre la crise et précisant que les discussions pouvaient porter sur tous les sujets, à l’exception d’une partition du Cameroun.

Fin 2017, après un an de protestation pacifique pour un retour au fédéralisme et une meilleure représentativité de la communauté anglophone, des séparatistes ont pris les armes contre Yaoundé, se battant pour l’indépendance et la proclamation d’un nouvel Etat, l’Ambazonie.

Des combats opposent régulièrement l’armée, déployée en nombre, à des groupes épars de séparatistes qui, cachés dans la forêt équatoriale, attaquent gendarmeries et écoles et multiplient les enlèvements.

Le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires Mark Lowcock a affirmé le 13 mai qu’il y avait « urgence » à accroître l’aide humanitaire au Cameroun, lors d’une réunion informelle inédite du Conseil de sécurité sur ce pays.

Selon l’ONU, la crise a déjà forcé plus de 530.000 personnes à fuir leur domicile. En vingt mois, le conflit en zone anglophone a fait 1.850 morts, selon le centre d’analyses géopolitiques International Crisis Group (ICG).

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