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Le dernier adieu sobre de son village à l’ex-président Mugabe

"Il laisse un vide, un grand vide que personne ne pourra combler", lâche Mhediziso Chibatamoto, 44 ans, vêtu d'un T-shirt…

« Il laisse un vide, un grand vide que personne ne pourra combler », lâche Mhediziso Chibatamoto, 44 ans, vêtu d’un T-shirt rouge à l’effigie de « son » président, Robert Mugabe. « Je ne crois pas qu’on retrouvera un jour un dirigeant comme lui ».

Comme ce père de quatre enfants, les habitants de son village natal de Kutama (nord-ouest) ont rendu lundi un dernier hommage à l’ancien maître absolu du Zimbabwe.

Le « héros » de l’indépendance du pays devenu son tyran est décédé le 6 septembre à 95 ans dans un hôpital de Singapour.

Ecarté du pouvoir en 2017 par un coup de force de l’armée après trente-sept ans de règne, Robert Mugabe a laissé à son successeur, Emmerson Mnangagwa, un ancien proche tombé en disgrâce, un pays traumatisé par la répression et ruiné par une crise économique dont il ne se sort plus.

Illustration de son héritage controversé, ses obsèques officielles se sont déroulées samedi dans un stade de la capitale Harare aux deux tiers vide. Son retour « au village », à moins de cent kilomètres de là, n’a guère suscité plus de ferveur.

Un millier de « voisins » ont d’abord sagement défilé devant son cercueil aux poignées d’argent posé sous un chapiteau blanc dans sa propriété de Kutama. Un autre millier plus tard à 10 km de là, au cœur du bourg de Murombedzi.

Parmi elles, une jeune femme avec un portrait en noir et blanc du défunt barré de la mention « un héros africain ».

– ‘Homme au grand cœur’ –

« C’était un homme au grand coeur. Nous sommes tous plus pauvres sans lui », a commenté pour l’AFP l’actuel ministre de la Justice, Ziyambi Ziyambi.

Avant l’arrivée du corbillard, seule la distribution de T-shirts, d’écharpes et de pagnes à l’image de l’actuel président Emmerson Mnangagwa a fait frémir la foule.

Un membre du parti des deux hommes, la Zanu-PF, au pouvoir depuis 1980, s’est immédiatement emparé d’un micro pour s’en offusquer. « On n’est pas à une réunion politique », a-t-il lancé, « on est ici pour pleurer un mort ».

« Ce n’est pas bien », a renchéri Nhamo Mashonganyika, béret rouge frappé d’un portrait de Robert Mugabe, « ils ont voulu me donner un T-shirt, je l’ai refusé ».

Très amer, selon ses proches, Robert Mugabe n’a jamais pardonné à son successeur de l’avoir lâché et l’a plusieurs fois qualifié de « traître ». Samedi, un de ses neveux, Walter Chidhakwa, a confié lors de ses obsèques qu’il s’était éteint comme un « homme triste, très triste ».

Volontiers nostalgiques, les fidèles de l’ex-président rendent M. Mnangagwa largement responsable de la crise catastrophique que traverse leur pays, étranglé par l’hyperinflation, la chute de la devise locale et les pénuries.

« Nous savions que quand il (Mugabe) descendait de son avion de retour de l’étranger, les prix baissaient », certifie un ancien voisin, Killiana Nyere, 60 ans. « Maintenant, quand (Mnangagwa) prend l’avion pour l’étranger, les prix montent… »

L’ancien président doit être enterré d’ici quelques semaines au Panthéon des grands noms de « la lutte de libération » à Harare, le fameux « Champ des héros », une fois achevée la construction du mausolée qui abritera sa dépouille.

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