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Le groupe Total assigné par six ONG en France pour ses activités en Ouganda

Six ONG ont assigné mercredi en justice le groupe Total concernant un méga-projet pétrolier en Ouganda, ce qui est selon…

Six ONG ont assigné mercredi en justice le groupe Total concernant un méga-projet pétrolier en Ouganda, ce qui est selon elles la première action en justice en France basée sur la loi relative au « devoir de vigilance » des multinationales, a-t-on appris auprès de ces organisations.

Deux ONG françaises et quatre ougandaises ont assigné le géant pétrolier en référé (urgence) devant le tribunal de Nanterre (en région parisienne), où une audience a été fixée au 8 janvier, ont-elles annoncé dans un communiqué.

Opérateur du projet « Tilenga » en Ouganda, aux côtés des compagnies chinoise CNOOC et britannique Tullow, Total prévoit de forer 419 puits de pétrole, pour la plupart situés dans le parc naturel des Murchison Falls, pour atteindre une production d’environ 200.000 barils par jour.

En juin, ces ONG – les Amis de la Terre, Survie, AFIEGO, CRED, NAPE et NAVODA – avaient mis en demeure le groupe, lui demandant de respecter la loi dite du « Rana Plaza », du nom de l’immeuble qui s’était effondré en 2013 au Bangladesh causant la mort de 1.138 ouvriers.

Cette loi, qui date de 2017, impose aux multinationales françaises d’établir un plan de vigilance destiné à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l’étranger.

Pour les ONG, le plan de Total, publié en mars, est trop parcellaire et, depuis juin, « les associations n’ont constaté aucune évolution positive sur place ».

– « Biodiversité exceptionnelle » –

« Les impacts désastreux de ce projet se font déjà cruellement sentir pour les milliers de personnes dont les terrains et maisons sont accaparés, pour la biodiversité exceptionnelle de cette région d’Ouganda », dénonce dans le communiqué Thomas Bart de Survie, une association qui milite contre la « Françafrique ».

Ce méga-projet pétrolier est situé à proximité du Lac Albert. Plus de 50% des espèces d’oiseaux du continent africain sont représentées dans le bassin de ce lac, ainsi que 39% des espèces de mammifères vivant en Afrique.

Découvertes en 2006, les réserves ougandaises de pétrole du bassin du Lac Albert sont évaluées à au moins 1,7 milliard de barils.

« Après la date limite d’éligibilité fixée par Total, l’entreprise interdit aux communautés d’utiliser leurs terres et de les cultiver (…). Sur le premier plan de réinstallation concernant près de 4.800 personnes, il s’est passé presqu’un an et demi entre le moment où les communautés n’ont plus eu le droit de cultiver et le moment où elles ont effectivement reçu la compensation », a critiqué auprès de l’AFP Juliette Renaud, responsable aux Amis de la Terre.

« Elles ont souffert de famine, n’avaient plus d’argent pour envoyer leurs enfants à l’école et acheter des médicaments », a-t-elle dit.

De passage à Paris, le directeur de l’ONG ougandaise AFIEGO, Dickens Kamugisha, a jugé « très regrettable que Total poursuive ses activités sans s’assurer que les besoins de ces communautés soient respectés ».

« Nous sommes surpris car nous pensions que Total, une entreprise venant d’Europe où les droits environnementaux et humains sont protégés, où l’Accord de Paris a été signé, saurait assumer sa responsabilité de s’assurer que les droits des populations (ougandaises) sont respectés quand notre gouvernement ne le fait pas », a-t-il déclaré à l’AFP.

Sollicité mercredi pour une réaction, Total a renvoyé à son communiqué publié fin septembre à ce sujet. Dans ce communiqué, Total dit avoir « conscience des impacts potentiels pour les populations locales (…) ».

« Total E&P Uganda et ses partenaires ont réalisé des évaluations détaillées des impacts sociétaux et environnementaux potentiels des projets Tilenga et EACOP » (oléoduc géant traversant l’Ouganda et la Tanzanie, NDLR), qui « ont permis de mettre en place les mesures afin d’éviter ces impacts ou de les minimiser », s’est défendu Total.

« Ces études d’impact ont été conduites dans le respect des standards nationaux et internationaux » et ont « nécessité la consultation de près de 70.000 personnes en Ouganda et en Tanzanie », affirme Total.

Les six ONG s’attendent à une bataille de « longue haleine ». « Une dizaine de milliers de personnes » ont signé un appel en ligne intitulé « Total, rendez-vous au tribunal! ».

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