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Le pouvoir roumain débarque la cheffe du parquet anticorruption

Le gouvernement de gauche roumain a obtenu lundi, après des mois de bras de fer, le limogeage de la cheffe…

Le gouvernement de gauche roumain a obtenu lundi, après des mois de bras de fer, le limogeage de la cheffe du parquet anticorruption (DNA) Laura Codruta Kovesi, franchissant une nouvelle étape dans son offensive décriée contre le pouvoir judiciaire.

En annonçant qu’il avait finalement signé le décret révoquant cette magistrate de 45 ans, devenue un symbole de la lutte anticorruption, le chef de l’Etat Klaus Iohannis (centre droit) dénoue provisoirement une crise politique qui menaçait de lui coûter son poste.

Mais il permet aussi au gouvernement mené par les sociaux-démocrates de marquer un nouveau point dans la bataille qu’il a engagée pour remodeler l’institution judiciaire qu’il accuse d’abus de pouvoir contre la classe politique.

Laura Codruta Kovesi a admis sa défaite personnelle : « mon mandat s’achève aujourd’hui (…) je resterai procureure mais pas au sein du DNA », a-t-elle réagi dans une déclaration à la presse, entourée de dizaines de procureurs.

Mais elle a appelé les Roumains à se mobiliser : « la corruption peut être vaincue, n’abandonnez pas », a lancé cette femme déterminée, manifestement très émue. Elle a dénoncé « la méthode brutale du gouvernement » visant à « bloquer les enquêtes et la justice ».

Cala fait plus d’un an que la Roumanie a vu naître un vaste mouvement de protestation de la société civile contre la réforme judiciaire que les sociaux-démocrates (PSD) ont entrepris de faire adopter en plusieurs volets, depuis leur retour au pouvoir fin 2016.

Des milliers de manifestants avaient défilé cet hiver pour exprimer leur soutien à la procureure lorsque la majorité gouvernementale avait annoncé vouloir la limoger. Mme Kovesi est depuis plusieurs mois dans le collimateur des sociaux-démocrates dont elle a critiqué les réformes judiciaires.

Une procédure visant à la révoquer avait été ouverte en février par le gouvernement selon lequel elle a « enfreint la Constitution » et « nui à l’image » de la Roumanie à l’étranger.

Se déclarant « peu convaincu » par ces arguments, le chef de l’Etat s’était opposé à cette démarche et était à son tour menacé d’être destitué par la majorité qui lui reprochait son obstruction.

La Cour constitutionnelle lui avait ordonné, fin mai, de lever le veto qu’il avait mis à la révocation de Mme Kovesi.

– Plus d’élus « intouchables » –

La Commission européenne et le Conseil de l’Europe avaient également critiqué la procédure de révocation engagée contre Mme Kovesi. En poste depuis 2013, elle a fait du DNA une institution redoutée par la classe politique. Son deuxième et dernier mandat devait s’achever en 2019.

« Le DNA a montré que la loi était la même pour tous, que personne n’était trop fort pour s’y soustraire. Les enquêtes ont visé des personnes qui paraissaient intouchables », a-t-elle déclaré lundi.

Dans un pays considéré comme gangréné par la corruption, le DNA a multiplié ces dernières années les poursuites contre des élus locaux et nationaux, s’attirant en retour l’inimitié d’une partie de la classe politique et des accusations d’abus de pouvoir.

En février, Mme Kovesi avait souligné que malgré « des attaques sans précédent » de la part du gouvernement, son parquet avait renvoyé devant les tribunaux en 2017 un millier de personnes, dont trois ministres, cinq députés et un sénateur.

Douze pays occidentaux avaient exhorté fin juin les élus roumain à rejeter la vaste refonte de l’institution judiciaire entreprise au pas de charge par le gouvernement et à laquelle ils reprochent de « miner l’Etat de droit et la coopération judiciaire ».

Depuis décembre, le code pénal, le code de procédure pénale et l’organisation judiciaire ont fait l’objet de dizaines d’amendements.

Certains observateurs mettent en avant le risque d’une dérive de l’Etat de droit similaire à celle dont sont accusées la Hongrie et la Pologne. D’autres voient principalement dans l’activisme de la majorité gouvernementale des manoeuvres pour éviter la prison au chef des sociaux-démocrates, Liviu Dragnea.

M. Dragnea, qui ne peut exercer les fonctions de Premier ministre en raison d’une condamnation à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale en 2016, s’est vu infliger en juin une deuxième peine de prison ferme, en première instance, dans une affaire d’emplois fictifs.

Le PSD, héritier des anciens communistes, est revenu au pouvoir fin 2016, conduit à la victoire par Liviu Dragnea après plusieurs années de traversée du désert.

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