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Le roi de Thaïlande n’a pas attendu d’être couronné pour remodeler la monarchie

Contrôle total sur les finances royales, purges, refonte de la Constitution: le roi de Thaïlande n'a pas attendu son couronnement…

Contrôle total sur les finances royales, purges, refonte de la Constitution: le roi de Thaïlande n’a pas attendu son couronnement samedi pour remodeler la monarchie, prenant de court les observateurs qui le prédestinaient à régner sans beaucoup s’investir.

Dès 2017, , monté sur le trône quelques mois plus tôt mais sans cérémonie formelle de couronnement, a fait adopter une loi lui donnant un pouvoir total sur le Crown property bureau (CPB), qui gère la fortune royale.

Il nomme désormais l’ensemble des membres le supervisant. Auparavant, le ministre des Finances siégeait au conseil, assurant un semblant de contrôle de la part du gouvernement.

Le CPB n’est pas tenu de publier des chiffres officiels, mais les analystes estiment qu’il administre entre 30 et 60 milliards de dollars d’actifs, ce qui fait de la monarchie thaïlandaise l’une des plus riches du monde.

Elle possède des centaines d’hectares rien que dans Bangkok, notamment dans le centre historique.

Par ailleurs, le roi est devenu à titre personnel premier actionnaire de la Siam Commercial Bank (23% des parts) et de la Siam Cement Company (33%), plus grand cimentier du pays, deux participations qui représentent à elles seules plusieurs milliards de dollars.

– grand ménage –

Depuis son accession au trône, « l’un des changements les plus frappants est la réorganisation de la maison royale », relève Michael Vatikiotis, directeur Asie de l’ONG Centre du dialogue humanitaire.

Maha Vajiralongkorn, dit Rama X, a renvoyé un certain nombre de puissants fonctionnaires du palais de l’époque de son père pour « malversations ».

Plusieurs personnes dans son entourage même ont été limogées ou emprisonnées, accusées de s’être servi de leur lien privilégié avec lui pour leur bénéfice personnel. Certaines d’entre elles sont décédées en prison ou ont disparu.

Il a aussi renforcé sa sécurité: il a quadruplé le nombre de policiers d’élite destinés à le protéger avec sa famille, qui sera porté à plus de 1.600 hommes d’ici 2023.

– refonte de la Constitution –

Le roi est le garant de l’unité du royaume, qui a connu douze coups d’Etat depuis 1932, et de son système oligarchique composé d’aristocrates, de hauts gradés de l’armée et d’une élite des affaires en majorité sino-thaïe.

A ce titre, bien au-delà de son statut de monarque constitutionnel, il dispose d’une influence considérable qu’il exerce le plus souvent dans l’ombre.

Mais Rama X est déjà sorti plusieurs fois du bois.

Il a fait modifier la nouvelle Constitution de 2017. Il a obtenu de supprimer le droit de regard du gouvernement sur certaines proclamations royales.

Il est aussi parvenu à ce qu’il n’y ait pas de régent lorsqu’il est à l’étranger. Un symbole fort alors même qu’il séjourne de manière prolongée en Bavière où il possède plusieurs résidences.

Il est aussi intervenu par deux fois pendant la campagne des législatives, les premières depuis le coup d’Etat de 2014.

Il a opposé une fin de non-recevoir à la candidature de sa sœur, la princesse Ubolratana, au poste de Premier ministre pour un parti lié à la bête noire de la junte au pouvoir, le milliardaire en exil Thaksin Shinawatra.

A la veille du scrutin, sans donner des consignes de vote, ce que sa fonction lui interdit, il a aussi exhorté les Thaïlandais à « soutenir les bonnes personnes » pour « empêcher le chaos », une déclaration perçue par les analystes comme un soutien aux militaires.

– habile tacticien –

« Le roi s’est montré très adroit dans la gestion de l’armée », estime Paul Chambers, spécialiste de politique thaïlandaise à l’Université de Naresuan, dans le nord du pays.

Il a modifié les équilibres entre les différentes factions, affaiblissant la division des « Gardes de la Reine », dont sont issus les chefs de la junte, au profit d’une branche concurrente, les « Gardes du Roi ». Rama X a choisi en 2018 le nouveau chef de l’armée, Apirat Kongsompong, au sein de cette division.

Cherche-t-il aussi à améliorer son image grâce à un certain assouplissement dans l’application de la loi de lèse-majesté, l’une des plus strictes au monde? Depuis fin 2017, aucune condamnation n’a été prononcée pour ce crime, passible de quinze ans de prison, et plusieurs personnes ont été relaxées, même si elles restent poursuivies pour d’autres charges.

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