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Le village d’un enseignant soudanais tué en détention a soif de justice

Ahmed al-Kheir, un enseignant, est mort en détention après avoir été arrêté pour ses liens avec la contestation au Soudan.…

Ahmed al-Kheir, un enseignant, est mort en détention après avoir été arrêté pour ses liens avec la contestation au Soudan. Aujourd’hui, ses proches se réjouissent de la chute du président Omar el-Béchir mais réclament la condamnation des responsables de son meurtre.

« Nous, famille d’Ahmed al-Kheir, sommes très heureux de la chute de Béchir et de son régime », se félicite auprès de l’AFP son frère cadet, Saad, au sein du foyer familial à Khashm al-Girba, un petit village de l’Etat oriental de Kassala, à la frontière avec l’Érythrée.

« Car nous sommes persuadés que c’est le système entier instauré par Béchir qui est responsable du meurtre d’Ahmed », assène-t-il.

L’enseignant avait 36 ans lorsque des agents du puissant service de renseignement (NISS) ont débarqué fin janvier dans son village et l’ont arrêté pour ses liens présumés avec les organisateurs du mouvement de contestation dans la région.

Quelques jours plus tard, c’est à la morgue que ses proches ont dû se rendre. Pour récupérer sa dépouille.

Début février, un haut-responsable de la capitale confirme qu’Ahmed al-Kheir a succombé à ses blessures, infligées au cours de sa détention « sur son dos, sur ses jambes et sur d’autres parties de son corps ».

La contestation déclenchée le 19 décembre par le triplement du prix du pain entre à ce moment là dans sa huitième semaine et les manifestations sont durement réprimées par le NISS. L’Association des professionnels soudanais, qui regroupe enseignants, ingénieurs et médecins, est en première ligne.

De nombreux rassemblements organisés pour demander le départ du président le sont désormais aussi pour exprimer la solidarité des protestataires avec les familles des victimes et pour demander la libération des personnes arrêtées.

Entre le début des manifestations et le renversement, le 11 avril, de M. Béchir par l’armée, des dizaines de personnes ont trouvé la mort, des centaines ont été blessées et des milliers ont été arrêtées.

– « Un honnête homme » –

Pour Saad al-Kheir, ce sont les haut-responsables du régime de Béchir, arrivé au pouvoir en 1989 après un coup d’Etat soutenu par les islamistes, qui sont derrière « l’assassinat » de son frère.

« Le groupe qui est venu le prendre agissait sous les ordres de personnes haut placées (…) si de hauts responsables du régime avaient fait objection, cette unité n’aurait pas agi de la sorte », affirme-t-il.

« Nous sommes tous Ahmed », ont scandé après sa mort les manifestants, de Kkashm al-Girba à Omdourman, ville voisine de la capitale.

Aujourd’hui encore, les protestataires qui campent devant le QG de l’armée à Khartoum –pour s’assurer que le Conseil militaire de transition transfère le pouvoir à une autorité civile– demandent aussi la condamnation des officiels du régime impliqués dans la mort de personnes comme Ahmed al-Kheir.

Membre du Parti du congrès populaire (islamiste) présent au gouvernement à l’époque, le professeur avait lui-même réclamé une enquête sur la mort de manifestants lors des rassemblements.

A Khashm al-Girba, un village fermier de bâtisses en terre, la plupart peintes de rose, ses collègues se souviennent de sa popularité dans la bourgade et aux alentours.

« C’était un honnête homme qui participait à la vie de la communauté », affirme Bakhit Mohamed Ahmed.

– « Liberté, paix et justice » –

« Ceux qui l’ont tué devraient être jugés par un tribunal civil (…) nous ne voulons pas d’un tribunal militaire et je suis ravie que l’immunité (des agents impliqués dans sa mort) ait été levée », ajoute-t-il.

Fait rare au Soudan, le nouveau Procureur général a levé le 20 avril l’immunité de plusieurs membres des services de renseignement soupçonnés d’être impliqués dans la mort de l’enseignant, sans en préciser le nombre.

« Nous ne cherchons pas des mesures de représailles mais reconstruire le système judiciaire afin qu’ils puissent répondre de leurs crimes », explique Amjad Farid, un porte-parole des meneurs de la contestation, en référence aux responsables du régime mais aussi au président déchu, détenu dans une prison de Khartoum.

« Nous voulons que ceux qui ont commis ce crime soient traduits en justice », réclame Rehab Wida’a, une voisine d’Ahmed al-Kheir.

Selon une autre habitante du quartier, Salah Ali al-Nour, l’enseignant a donné sa vie pour les valeurs exprimées dans le slogan principal de la contestation, « Liberté, paix et justice ».

« Nous espérons que la liberté, la paix et la justice arriveront », ajoute-t-elle, les yeux remplis de larmes. « Nous voulons que tous les criminels soient punis! »

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