Le baron Edouard-Jean Empain, décédé jeudi selon des médias belges, était le petit-fils du créateur d’une dynastie industrielle d’origine belge, président du groupe Empain-Schneider, qui avait été enlevé en plein jour devant son domicile à Paris le 23 janvier 1978.
A l’époque, l’affaire fait grand bruit: son groupe Empain-Schneider pèse des milliards, 150.000 employés, 300 sociétés dont des fleurons comme Framatome (nucléaire), Creusot-Loire (métallurgie) ou Spie Batignolles (BTP).
Durant 63 jours, il est séquestré, torturé, enchaîné, affamé et soumis à une pression psychologique insupportable dans un petit pavillon de Savigny-sur-Orge, en banlieue parisienne.
La rançon demandée est colossale: 80 millions de francs. Les ravisseurs envoient à sa famille l’auriculaire du baron pour prouver leur détermination.
Les négociations s’arrêtent, reprennent, la remise de l’argent est reportée… Après plusieurs semaines, l’exécution du prisonnier est envisagée, soumise au vote, abandonnée.
Le 22 mars, rendez-vous est pris avec les ravisseurs pour la remise de rançon. Débute alors un jeu de piste qui durera deux jours et qui se transformera en course poursuite à travers Paris.
L’un des ravisseurs est tué, l’autre blessé ainsi que deux policiers. Alain Caillol, arrêté et blessé lors de la remise de rançon avortée, finit par demander à ses complices de relâcher leur otage.
Le 26 mars, on trouve le baron Empain hagard, errant dans Paris, relâché par ses ravisseurs. Il avait perdu 20 kg, et l’auriculaire gauche. Il perdra son empire et changera complètement de vie.
En 2012, Alain Caillol a raconté dans un livre (« Lumière » aux éditions du Cherche Midi) l’enlèvement du baron Empain et le « syndrome de Stockholm inversé » des ravisseurs vis à vis du baron ainsi que la poignée de main, 30 ans après, avec sa victime.
« Je voulais dire à M. Empain le respect qu’on avait pour lui », avait alors déclaré à l’AFP Alain Caillol: « Ca me travaillait depuis longtemps. Je ne voulais pas mourir ou qu’il meure sans lui dire la vérité ».
« J’ai revu récemment M. Empain, ça s’est bien passé. Il m’a tutoyé d’entrée, moi je n’y arrivais pas. On a parlé de choses qui ne regardaient que nous deux. Il m’a serré la main », avait raconté Alain Caillol à la parution de son livre.
Durant l’enlèvement, les ravisseurs ont découvert « un homme exceptionnel par son courage », selon Alain Caillol. « Il y a eu un syndrome de Stockholm inversé. Il nous a dominés moralement. Chacun a vu en lui le rêve de ce qu’il voulait être: beau, riche, puissant, intelligent… »