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Les chiites afghans dans la hantise d’attentats lors de l’Achoura

Une série d'attentats meurtriers à l'encontre de la communauté chiite, minoritaire en Afghanistan, alimente les craintes de nouvelles violences avant…

Une série d’attentats meurtriers à l’encontre de la communauté chiite, minoritaire en Afghanistan, alimente les craintes de nouvelles violences avant la célébration jeudi du jour sacré de l’Achoura et incite des civils à s’armer.

L’Achoura, rite fondateur du chiisme observé par des millions de fidèles dans le monde, est célébrée au 10e jour du mois de Muharram, premier mois du calendrier musulman.

En Afghanistan elle est devenue une cible de choix pour le groupe jihadiste Etat islamique (EI), composé de sunnites extrémistes apparus en Afghanistan en 2014, et qui considère les chiites comme des hérétiques.

Et après des attaques meurtrières survenues en 2016 et 2017, les chiites afghans redoutent de nouveaux massacres.

La violence à leur encontre s’est déjà intensifiée ces dernières semaines, avec plus de 60 personnes tuées lors d’attaques-suicides contre un club de lutte et un centre éducatif dans un quartier chiite densément peuplé de Kaboul.

Le mois dernier, des kamikazes vêtus de burqas ont également frappé une mosquée chiite dans la ville de Gardez, au sud de Kaboul, tuant au moins 35 personnes. L’EI a revendiqué ces attaques.

« Nous avons constamment peur, jour et nuit », a déclaré dimanche à l’AFP Ahmad Zia Ahmadi alors qu’il supervisait la reconstruction du club de lutte de Maiwand, détruit par le double attentat du 5 septembre dernier.

« Si le gouvernement n’assure pas notre sécurité alors nous devrons le faire nous-mêmes et nous armer », assène-t-il.

Le gouvernement afghan est souvent critiqué pour son incapacité à protéger la communauté chiite, estimée à trois millions de personnes dans un pays majoritairement sunnite.

– Autodéfense –

Des centaines de civils avaient été recrutés l’an dernier pour protéger les sites religieux chiites à Kaboul et d’autres villes avant l’Achoura, renforçant ainsi les effectifs de la police.

Cette mesure a permis de réduire le nombre d’attaques, a indiqué un haut responsable chiite à l’AFP, mais aucun plan de ce type n’a été annoncé cette année.

Mais selon ce dirigeant, des centaines d’armes distribuées l’an passé seront encore utilisées pour protéger les mosquées mais « ce n’est pas suffisant », prévient-il.

L’année dernière, « ils ne nous ont donné que 1.250 armes à feu que nous avons distribuées dans 14 provinces à population chiite », a-t-il dit sous couvert d’anonymat, mais certaines mosquées « ne sont pas encore armées », a-t-il déploré.

Le porte-parole du ministère de l’Intérieur afghan, Najib Danish, a récemment déclaré à l’AFP que le gouvernement avait mis sur pied un plan de sécurité pour le Muharram et l’Achoura, mais qu’il ne souhaitait pas fournir de détails.

« Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer la sécurité de notre peuple à Kaboul », a-t-il dit à la veille du début de Muharram.

Les services de renseignement afghans ont annoncé mardi l’arrestation de 26 membres présumés de l’EI qui prévoyaient des attaques pendant le Muharram et l’Achoura.

Méfiants envers le gouvernement, de nombreux chiites répètent que l’EI pourrait frapper n’importe où et qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se protéger.

« Nous avons été attaqués dans nos mosquées, nos écoles, nos rues et nos gymnases », a déclaré à l’AFP Ghulam Reza, un employé du club de lutte, et maintenant « nous pensons à nous armer ».

– « Mobilisons-nous » –

Ces craintes ont été reprises sur les réseaux sociaux, où abondent les rumeurs sur de possibles lieux d’attaques à Kaboul.

« Il n’y a plus aucun lieu sûr pour nous », note un internaute du nom d’Hossien. « Nos enfants, nos érudits religieux, nos lutteurs et des gens de tous milieux sont tués tous les jours. Mobilisons-nous ! »

Pour un autre internaute, « se tenir devant une mosquée pour protéger son peuple est un moyen de lutter contre le terrorisme. Quand le gouvernement ne peut assurer la sécurité, c’est à vous de protéger vos institutions et vos valeurs ».

En réponse à la détérioration de la sécurité à Kaboul, le président afghan Ashraf Ghani a annoncé le 8 septembre son intention de diviser la ville en quatre zones de sécurité.

Il a également déclaré qu’un dispositif de sécurité plus conséquent, à l’instar de la « zone verte » ultra-protégée de Kaboul qui abrite de nombreuses ambassades et organisations internationales, était nécessaire pour l’ouest de la ville, majoritairement chiite.

Mais « plus de réflexions et de consultations » sont nécessaires pour sa réalisation, avait-il concédé.

Cette lenteur ne surprend pas Ahmad Zia Ahmadi, qui fait remarquer des morceaux de chair encore collés au plafond du club de lutte.

« Nous savons que l’ennemi va encore nous attaquer. Nous n’attendons pas que le gouvernement nous protège parce qu’il ne le peut pas ».

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