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Les forces de l’ordre quadrillent Bogota après une nuit de couvre-feu inédit

Militaires et policiers quadrillaient Bogota samedi après une nuit de couvre-feu total, le premier décrété depuis plus de quarante ans…

Militaires et policiers quadrillaient Bogota samedi après une nuit de couvre-feu total, le premier décrété depuis plus de quarante ans dans la capitale colombienne, après les violences ayant suivi une mobilisation massive contre le président Ivan Duque.

Quelque 13.000 policiers et militaires, appuyés par des hélicoptères, parcouraient en véhicules blindés, à moto ou à pied les quartiers de cette ville de sept millions d’habitants, où des violences et pillages la veille se sont soldés par près de 300 interpellations.

« Ces patrouilles sont nécessaires et assurent en outre la tranquillité des citoyens », a déclaré M. Duque, cible jeudi de manifestations contre ses politiques économique, sociale et sécuritaire.

Dans cette capitale célèbre pour ses gigantesques embouteillages, voitures, camions et motos vrombissaient à nouveau, après une nuit de calme tendu.

Avant de revenir peu à peu à la normale au matin, Bogota avait pris des airs de ville fantôme durant le couvre-feu imposé dans tous les quartiers dès 21H00 locales (02H00 GMT) vendredi, puis levé comme prévu à 06H00 (11H00 GMT).

– Interpellations –

Des équipes de nettoyage s’activaient samedi dans les rues jonchées des restes de feux allumés par des manifestants, de déchets et du verre brisé des vitres de stations d’autobus endommagées, selon le maire Enrique Peñalosa, par « une minorité de délinquants »

Tard vendredi, le ministre de la Défense Carlos Holmes Trujillo avait annoncé que « les actes de vandalisme » étaient contrôlés et que le couvre-feu était respecté à 90% dans cette ville qui n’avait pas connu une telle mesure depuis des manifestations en 1977.

Au total, 331 personnes ont été interpellées pour avoir défié l’interdiction de circuler, instaurée également à Cali, la troisième ville du pays.

En début de soirée vendredi, des centaines de personnes avaient défié le couvre-feu dans la capitale, pour des « cacerolazos » – concerts de casseroles – notamment devant le domicile du président Duque. Des manifestants y ont chanté l’hymne national avant de se disperser dans le calme.

Entreprises et commerces avaient fermé tôt, certains protégeant leurs façades avec des plaques de bois ou de métal.

Des universités de la capitale étaient restées cependant ouvertes pour accueillir les étudiants en l’absence de transports.

Les responsables des pillages et dégradations causées depuis jeudi soir n’ont pas été clairement identifiés, mais le maire, qui a également interdit la vente d’alcool jusqu’à la mi-journée de samedi, a nié toute relation avec le mouvement social contre la politique de M. Duque.

« Ceci n’est pas la grève, ni une marche démocratique, ni un +cacerolazo+. Nous sommes confrontés à une minorité de délinquants qui détruisent la ville », a-t-il argué.

Les marches de jeudi, majoritairement pacifiques et auxquelles ont participé des centaines de milliers de personnes, avaient été suivies d’affrontements entre civils et policiers anti-émeute, qui ont fait trois morts et plus de 270 blessés.

– Dialogue national à venir –

L’expert en sécurité Hugo Acero a évoqué des « faits de vandalisme ». Des personnes « se sont consacrées à piller, attaquer ou voler des marchandises dans certains commerces. Ce ne sont pas des faits de protestation sociale », a-t-il affirmé.

De nouvelles manifestations ont eu lieu vendredi, la plupart sans heurts.

« Ce matin, c’est calme alors que hier soir, c’était pesant (…) ça faisait peur », a déclaré à l’AFP Ana Belen Cuellar, une vendeuse ambulante de 35 ans, dont les affaires ont pâti du couvre-feu.

Inquiets, des habitants s’étaient armés de gourdins et de couteaux, dénonçant des tentatives de cambriolage par des individus cagoulés ou la tête couverte de capuche.

Des rencontres sportives et d’autres événements ont été annulés ou reportés, tandis que des vols étaient encore retardés samedi à l’aéroport international de Bogota.

Le président Duque, qui pâtit de 69% d’opinions défavorables, a convoqué une « conversation nationale » à partir de la semaine prochaine, en réponse à la mobilisation sociale, la plus importante de ces dernières années.

Outre une politique de sécurité focalisée sur le narcotrafic et une recrudescence de la violence dans certaines régions depuis l’accord de paix de 2016 avec l’ex-guérilla des Farc, le mouvement dénonçait des velléités de flexibiliser le marché du travail, d’affaiblir le fonds public des retraites en faveur d’entités privées, et de reculer l’âge de la retraite.

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