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Les talibans ne veulent pas vraiment la paix, estime le chef du gouvernement afghan

Les talibans n'ont pas encore fait la preuve de leur détermination à mettre fin à 17 ans de guerre en…

Les talibans n’ont pas encore fait la preuve de leur détermination à mettre fin à 17 ans de guerre en Afghanistan, en dépit des efforts américains en faveur d’un accord de paix, a déclaré à l’AFP le chef du gouvernement afghan.

Abdullah Abdullah, « chef exécutif » en titre du gouvernement en place à Kaboul, s’est montré, lors de cet entretien à Paris, beaucoup plus sceptique sur les chances de parvenir à un accord que son rival politique, le président Ashraf Ghani, et ses homologues occidentaux.

M. Ghani a récemment estimé que « la question n’est pas de savoir si, mais quand » la paix pourra être conclue avec les talibans, alors que les Etats-Unis évoque la possibilité d’une percée avant l’élection présidentielle d’avril.

« Il y a eu récemment des efforts renouvelés de la communauté internationale, en particulier des Etats-Unis », a observé M. Abdullah, lors de cette interview qui portait sur un large éventail de sujets, y compris ses ambitions politiques.

« Nous ne voulons pas porter un jugement trop prématuré, mais je dirais que notre expérience récente a montré que (les talibans) n’ont pas apporté de preuve de leur intention de s’impliquer sérieusement dans les négociations de paix », a-t-il ajouté.

Le responsable s’exprimait mercredi, au lendemain d’un nouvel attentat-suicide sanglant à Kaboul où 55 personnes ont été tuées lors d’un banquet célébrant la naissance du prophète Mahomet.

Un acte qui « dépasse l’entendement », s’est indigné Abdullah Abdullah, vétéran de la lutte politique contre l’invasion soviétique dans les années 80 puis contre le régime taliban dix ans plus tard.

« Fermement condamné » par un porte-parole des talibans, cet attentat n’a pour l’heure pas été revendiqué mais le groupe Etat islamique (EI) est le plus souvent à l’origine des attaques-suicide en Afghanistan.

– Candidat à la présidence ? –

Après trois jours de visite en France, M. Abdullah entendait étudier en détail jeudi à son retour à Kaboul les compte-rendus des derniers rounds de négociations entre les talibans et l’envoyé spécial américain Zalmay Khalilzad, qui se seraient tenus au Qatar la semaine dernière.

Quelle que soit l’issue de ces pourparlers, M. Abdullah juge que l’Afghanistan doit tenir comme prévu son élection présidentielle en avril, malgré la poussée de violences et les demandes de report émises par certains.

« Mon sentiment est que nous devons respecter le calendrier, le mettre en application, parce que la légitimité de notre système repose sur les élections », a-t-il souligné. « En parallèle, nous devons poursuivre avec vigueur nos efforts en faveur de la paix ».

Il a néanmoins douté qu’une percée des négociations avec les talibans se produise avant le scrutin.

« Il serait très surprenant que cela se réalise, mais si c’était le cas (…) ce serait bien accueilli par la population d’Afghanistan », a-t-il noté.

Candidat malheureux aux scrutins présidentiels de 2009 et 2014, entachés par des accusations de fraude, M. Abdullah maintient le suspense sur ses ambitions politiques.

Battu par Ashraf Ghani en 2014, il a acepté de diriger un gouvernement d’unité nationale aux termes d’un accord conclu sous la houlette des Etats-Unis, mais la rivalité entre les deux hommes perdure.

« Je m’impliquerai activement d’une manière ou d’une autre, mais je n’ai pas encore pris ma décision », a répondu M. Abdullah à une question sur une éventuelle candidature en 2019.

– Le spectre de la fraude –

Le chef du gouvernement n’a pas caché ses inquiétudes sur le manque de progrès dans la lutte contre la fraude électorale, endémique dans le pays.

Il s’est ainsi dit « déçu » par les élections législatives d’octobre, marquées par de nombreux ratés, tels l’absence de listes électorales ou le mauvais fonctionnement des terminaux de reconnaissance biométrique. « Nos attentes étaient tout autres », a-t-il insisté.

Des milliers de plaintes ont été déposées devant la Commission électorale indépendante (CEI), alors que quatre millions de personnes ont bravé les menaces des talibans pour aller voter.

La gestion chaotique de ce scrutin organisé avec trois ans de retard laisse planer le doute sur la capacité de la CEI d’organiser en avril le scrutin présidentiel.

« Il y a de nombreuses leçons à tirer des élections législatives. Si le gouvernement et les autres institutions responsables y répondent avec méthode et sérieux, nous pouvons avoir et nous devrions avoir un scrutin plus fiable qu’en 2014 », a estimé M. Abdullah, étonnamment battu au second tour des présidentielles de 2009 et 2014 alors qu’il était arrivé en tête au premier.

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