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Les yeux rivés sur Khartoum, le « petit Soudan » de Paris entre espoir et prudence

"Aujourd'hui c'est comme la fête nationale": dans "Little Sudan", quelques rues du nord de Paris où se concentrent des commerces…

« Aujourd’hui c’est comme la fête nationale »: dans « Little Sudan », quelques rues du nord de Paris où se concentrent des commerces soudanais, les yeux des exilés sont rivés sur les réseaux sociaux et la télé, où défilent les scènes de liesse à Khartoum.

Omar el-Bechir, qui dirige le Soudan d’une main de fer depuis depuis 1989, est-il tombé ? A-t-il démissionné ? A-t-il été renversé par l’armée ? Rien n’est officiel, les rumeurs vont bon train dans ce triangle de rues du XVIIIe arrondissement.

« Sudan happy », lance dans un anglais approximatif un homme, levant les yeux de son téléphone portable où il regarde des Facebook Live de Khartoum, la capitale soudanaise: « Bachir out », ajoute-t-il, en mimant, poignets croisés, des mains menottées.

« Aujourd’hui, c’est comme la fête nationale », sourit Salah Idriss, dans une boutique d’accessoires de téléphonie un peu plus loin. « Il faut rester prudent », tempère, de l’autre côté du comptoir, Ahmad Weelingkwe, du haut de ses 53 ans. « Les nouvelles sont prometteuses mais il faut attendre. Il est optimiste, c’est normal, il n’a que 22 ans. Moi j’ai vu plus de choses, j’ai plus d’expérience », ajoute le vendeur aux tempes grisonnantes.

Mais la contestation qui secoue le Soudan depuis décembre est inédite. « Le peuple a fait beaucoup. Les bases sont solides, c’est la première fois que tant de gens descendent dans la rue. Il y a de l’espoir », estime l’homme originaire de la région du Darfour, qui se dit militant du « United Sudan Liberation Movement ».

« Le gouvernement n’est pas encore changé. Mais normalement, ça va s’arrêter. Il doit partir », veut également croire Ali Arbab, gérant de l’épicerie voisine, en France depuis dix ans.

A côté de sa caisse, la chaîne Al-Arabiya est branchée sur son portable.

– Transition –

« Ce qui se passe depuis quatre mois est étonnant », reconnaît-il: « Tout le monde est dans la rue: les hommes, les femmes, tout le monde… La vie n’était plus possible, il n’y a plus d’argent, les boulangeries sont vides, les hôpitaux et les écoles, zéro… »

Malgré les appels à la prudence, Salah Idriss garde les yeux souriants derrière ses petites lunettes. Il est « optimiste à 100% ». Il envisage déjà de revenir au pays, « si les choses changent en bien ».

« Mon pays me manque. Et qui va faire le développement du pays ? C’est nous (les jeunes) », ajoute le jeune homme, qui a quitté le pays il y a un an après avoir terminé des études en agriculture.

« Je n’ai connu que Omar el-Bechir, il n’a fait que des problèmes. Le pays est riche, il y a de l’or, du pétrole. Et il est resté fermé. Maintenant, il va pouvoir s’ouvrir, communiquer avec le monde. Avant, il y avait des divisions tribales, ethniques. Aujourd’hui, il y a une cohésion sociale: Just fall, that’s all », assure-t-il, reprenant le cri de ralliement des contestataires.

Patient et mesuré, Ahmad Weelingkwe espère malgré tout, à terme, une transition vers « un pouvoir civil ».

« Mais il faudra beaucoup de temps pour éradiquer les conséquences de 30 ans de dictature, installer des concepts de justice, liberté, droits humains, égalité de chances… », prévient-il. « La nouvelle génération peut le faire, ils pensent positivement », conclut-il.

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