Avant Emmanuel Macron, deux présidents ont adressé une « lettre aux Français » sous la Ve République : François Mitterrand en 1988 et Nicolas Sarkozy en 2012, dans un contexte différent car purement électoral.
La lettre qu’Emmanuel Macron doit publier lundi a pour but de cadrer les enjeux du grand débat national qui s’ouvre mardi, avec l’espoir de calmer la colère des « gilets jaunes ».
Les lettres diffusées par François Mitterrand en avril 1988 et Nicolas Sarkozy en avril 2012 avaient une tonalité programmatique : il s’agissait pour les deux présidents, candidats à leur réélection, d’exposer leur projet à quelques semaines du scrutin.
– « Lettre à tous les Français » –
Le 7 avril 1988, le président socialiste François Mitterrand fait paraître – comme la loi l’y autorise encore – dans plusieurs journaux nationaux et régionaux une « lettre à tous les Français ».
Après un « Mes chers compatriotes » écrit à la main, la lettre débute ainsi : « Vous le comprendrez. Je souhaite, par cette lettre, vous parler de la France ». Le président-candidat explique qu’il veut parler aux Français « comme autour de la table, en famille ».
Deux semaines et demie avant le premier tour de la présidentielle, l’initiative a valeur de long encart électoral après deux ans de cohabitation tendue avec Jacques Chirac.
Politique extérieure, Europe, question sociale avec l’annonce d’un futur « revenu minimum » pour les « victimes de la nouvelle pauvreté » ou politique culturelle : le candidat-président liste en sept chapitres son programme pour les sept ans à venir.
L’idée l’a plutôt servi puisqu’il l’emporte le 8 mai au deuxième tour face à Jacques Chirac, avec 54% des voix.
Deux ans plus tard, la loi de limitation des dépenses électorales, élaborée sous le gouvernement de Michel Rocard, interdira désormais ce type de « publicité » dans la presse et l’audiovisuel durant les trois mois précédents une élection.
– « Lettre au peuple français » –
Lors de la campagne présidentielle de 2012, le même procédé est malgré tout réutilisé en avril par le candidat-président Nicolas Sarkozy avec sa « lettre au peuple français ».
La missive, à peine plus courte, avec 34 pages, que celle de François Mitterrand, est cette fois diffusée sous forme numérique, envoyée par mail, et imprimée à 6 millions d’exemplaires puis distribuée par des élus et des militants.
« Je veux m’adresser à vous sans aucun intermédiaire », écrit le président sortant. « Je veux le faire par écrit, car l’écrit demeure, l’écrit engage », insiste-t-il avant d’exposer son programme.
Il s’incline au deuxième tour, le 6 mai face à François Hollande (51,6%).
– Lettre sur les retraites –
On peut ajouter à ces deux missives présidentielles, la lettre d’un Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, adressée en 2003 à tous les Français au sujet de la réforme des retraites.
Envoyée par La Poste à 26 millions de foyers français à la mi-juin 2003, ce courrier assez bref tentait d’expliquer une refonte destinée à sauver le système des retraites de « l’effondrement ».
En guise de protestation contre une réforme prévoyant l’allongement des durées de cotisation, 25.000 français ont refusé le pli et l’ont retourné à l’envoyeur.