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L’imam de Brest, du salafisme provocateur à l’affichage d’un islam plus modéré

L'imam de Brest Rachid Eljay, blessé jeudi par balle devant sa mosquée, est un jeune prédicateur qui s'est fait connaître…

L’imam de Brest Rachid Eljay, blessé jeudi par balle devant sa mosquée, est un jeune prédicateur qui s’est fait connaître en 2015 pour sa proximité avec le courant salafiste et ses nombreuses vidéos polémiques sur internet, avant de revendiquer un islam plus modéré et compatible avec la République.

Anciennement connu sous le nom de Rachid Abou Houdeyfa, ce trentenaire, dont les jours ne sont pas en danger, est imam de la mosquée Sunna, dans le quartier populaire de Pontanézen où il a grandi. Il a pris la succession de l’Algérien Abdelkader Yahia Cherif, reconduit à Alger en avril 2004 pour « menace à la sûreté de l’Etat ».

Autodidacte, ce prédicateur très populaire sur la toile – sa page Facebook compte 1,2 million d’abonnés -, crée la polémique en 2015 avec des vidéos aux propos intégristes: l’une le montre expliquant notamment à des enfants que ceux qui écoutent de la musique écoutent « le diable » et « seront transformés en singes et en porcs ». Sur d’autres extraits de prêches, on le voit affirmant que le hijab (voile intégral) est « l’honneur d’une femme ». « Et si elle sort sans honneur, qu’elle ne s’étonne pas que des hommes abusent de cette femme là », concluait-il.

Face à l’avalanche de réactions, y compris au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui avait condamné ses propos, l’imam avait affirmé qu’ils n’étaient pas à prendre au premier degré et qu’il les regrettait, retirant certaines vidéos. « Tout le monde fait des erreurs dans la vie », avait-il dit ensuite à l’AFP.

L’imam avait cependant critiqué très vite les attentats de Paris et de Saint-Denis de novembre 2015 – estimant que cela n’avait « rien à voir avec l’islam ». Dans la France sous état d’urgence, sa mosquée avait malgré tout fait l’objet d’une perquisition quelques jours après ces attaques sanglantes, sans que cela donne lieu à aucune interpellation, ni fermeture du lieu.

L’imam brestois a par ailleurs été au centre d’une enquête préliminaire, menée sous l’autorité du parquet de Brest, visant son activité économique. Ce, peu après des propos du président François Hollande en avril 2016 critiquant « ces prêcheurs, ces partisans de la haine qui induisent la radicalisation ». L’enquête a été classée sans suite.

– « ligne traditionnelle » –

En 2016, Rachid Eljay semble opérer un véritable tournant en s’inscrivant à Rennes à une formation civile et civique – un diplôme universitaire (« Religion, droit et vie sociale ») – et en assurant observer un islam du « juste milieu ».

« Il y a 10 ans, cet imam était sur une ligne salafiste non jihadiste, mais pro-saoudienne, et il s’est rangé progressivement sur une ligne traditionnelle marocaine », affirme Romain Caillet, spécialiste du salafisme contemporain.

Dans des vidéos de décembre 2018, il apparaît en chemise, barbe courte, mettant en garde la jeunesse contre les « discours extrémistes » qui « peuvent les détourner de la voix droite, du juste milieu ».

« Aujourd’hui il est dans une logique de pratique de l’islam qui n’est pas en rupture avec son environnement, sa barbe est de plus en plus courte et son style vestimentaire a changé », décrit Romain Caillet.

Il n’est plus salafiste ? « Il est loin de l’être », assure à l’AFP Mohamed Iqbal Zaïdouni, président du CRCM Bretagne, la déclinaison régionale du CFCM. « Il a fait un travail considérable sur lui ».

En août 2016 l’imam de Brest a été visé par une fatwa du groupe jihadiste Etat islamique le condamnant à mort après un prêche où il appelait les fidèles à participer à la démocratie et aux élections. Il avait alors été qualifié d' »imam-serpillière » par le califat autoproclamé.

« Rachid Eljay a déjà été menacé par Daech (acronyme de l’EI, ndlr) car il a des discours en phase avec les valeurs de la République », a commenté jeudi soir auprès de l’AFP Abdallah Zekri délégué général du CFCM. « Oui, il ne tient plus les mêmes discours qu’avant, a-t-il ajouté vendredi mais il faut « rester vigilant face à ces personnes. Chassez le naturel, il peut revenir au galop », a-t-il dit.

Pourquoi a-t-il été visé jeudi soir ? Pour M. Caillet, Rachid Eljay « est aussi bien la cible de gens pro-jihad que de groupes d’ultra-droite » en raison de ses vidéos.

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