InternationalAFP




L’Inde vers une dépénalisation historique de l’homosexualité ?

La communauté LGBT en Inde pourrait assister jeudi à l'aboutissement de décennies de combat avec un jugement très attendu du…

La communauté LGBT en Inde pourrait assister jeudi à l’aboutissement de décennies de combat avec un jugement très attendu du la Cour suprême, susceptible de prononcer une dépénalisation historique de l’homosexualité.

La plus haute instance judiciaire de cette nation d’Asie du Sud comptant 1,25 milliard d’habitants devrait rendre publique vers 10h30 locales (05h00 GMT) sa décision d’abroger ou non un vieil article de loi condamnant les pratiques homosexuelles.

Selon le code pénal indien datant de l’ère coloniale britannique, l’homosexualité est sur le papier passible de prison à vie. Contesté depuis près de vingt ans devant les tribunaux, son article 377 prohibe tout « rapport charnel contre l’ordre de la nature ».

Un panel de cinq juges de la Cour suprême a entendu en juillet les arguments de plaignants homosexuels, parmi lesquels plusieurs célébrités, qui soutiennent que cet article est contraire à la Constitution indienne.

« Nous avons de grands espoirs de la part de la Cour suprême », a déclaré à l’AFP Rituparna Borah, co-directrice de Nazariya, organisation féministe queer.

« Cette loi n’aurait jamais dû exister. (Son abrogation) aurait dû avoir lieu il y a longtemps. Nous ne demandons que des droits de l’homme élémentaires, rien de plus », a-t-elle ajouté.

Si une scène homosexuelle discrète mais vibrante existe dans les grandes villes d’Inde, comme Delhi ou Bombay, les rapports sexuels entre hommes ou entre femmes restent toujours très mal vus dans cette société profondément conservatrice.

De nombreux Indiens, notamment dans les zones rurales où réside 70% de la population, considèrent l’homosexualité comme une maladie mentale. Certains la mettent même sur un pied d’égalité avec la zoophilie.

Étudiant homosexuel de 20 ans, Utsav Maheshwari s’est dit « super enthousiaste » en anticipation de la décision de la Cour suprême et a exprimé son espoir qu’elle « légitime la communauté (homosexuelle) en reconnaissant son existence ».

– Marathon judiciaire –

La dépénalisation de l’homosexualité a été prononcée une première fois en Inde en 2009 par la Haute Cour de Delhi, un jugement salué à travers le monde. Pourtant, en 2013, renversement de situation: la Cour suprême casse cette décision pour des raisons légalistes.

Deux juges de l’institution estiment à cette occasion qu’il est du ressort du législateur, et non de la justice, de faire évoluer la loi sur ce sujet.

Ce retour en arrière cause un grand émoi parmi les défenseurs de la dépénalisation, qui engagent alors de nouveaux recours judiciaires.

La dépénalisation de l’homosexualité bénéficie toutefois aujourd’hui d’un vent favorable depuis une décision capitale de la même Cour suprême l’an dernier.

Cette dernière a en effet estimé que les Indiens bénéficient d’un droit fondamental à la vie privée – qui n’est pas mentionnée explicitement dans la Constitution -, un droit dans lequel les juges incluaient l’orientation sexuelle.

« Le but d’élever certains droits au statut de droits fondamentaux garantis est de les protéger du dédain de la majorité, qu’elle soit parlementaire ou populaire », ont écrit dans cet arrêt plusieurs juges de la Cour suprême, dans un plaidoyer de défense des droits de la minorité homosexuelle.

Les poursuites judiciaires pour homosexualité sont, dans les faits, rarissimes en Inde. Selon les chiffres du gouvernement, sept personnes ont été condamnées dans le pays en 2016 pour « offenses contre-nature » et seize relaxées.

« C’est la première étape de l’histoire de beaucoup d’autres pays qui ont d’abord dépénalisé les relations homosexuelles, autorisé les unions civiles puis le mariage », estimait lors d’une récente interview à l’AFP Keshav Suri, propriétaire d’une chaîne d’hôtels de luxe figurant parmi les plaignants devant la Cour suprême.

« C’est une longue bataille pour arriver à l’égalité des droits mais je suis sûr que nous y arriverons à la fin », a-t-il déclaré.

L’homosexualité reste à l’heure actuelle criminalisée dans 72 pays de la planète, selon un décompte de l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne