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L’Italie prend le risque de se mettre à dos l’UE et les marchés

La coalition populiste au pouvoir en Italie, en décidant d'un déficit à 2,4% du PIB sur les trois prochaines années,…

La coalition populiste au pouvoir en Italie, en décidant d’un déficit à 2,4% du PIB sur les trois prochaines années, a pris le risque d’un vif conflit avec la Commission européenne mais aussi d’une flambée des marchés financiers.

Le taux d’emprunt italien s’est nettement tendu à l’ouverture des marchés, les investisseurs se montrant nerveux après cette annonce, tandis que la Bourse de Milan perdait près de 2%. L’euro commençait lui-même à accuser le coup face au dollar.

Au terme d’un dur et long bras de fer avec le ministre modéré des Finances, Giovanni Tria, qui plaidait pour un déficit à 1,6% pour éviter toute tension, le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisytème) et la Ligue (extrême droite) ont obtenu gain de cause.

Le déficit public atteindra 2,4% en 2019, alors que le précédent gouvernement de centre-gauche visait 0,8%, et le même chiffre en 2020 et 2021.

L’accord a provoqué l’allégresse du M5S, qui a festoyé jeudi soir à Rome, et de la Ligue, qui estimaient nécessaire de pouvoir appliquer leurs promesses électorales, au premier rang desquelles un revenu de citoyenneté de 780 euros pour les plus démunis, un système de retraites plus généreux et une réforme fiscale. La première mesure concernera 6,5 millions de personnes et la seconde environ 400.000.

Mais ce projet de budget, qualifié de « raisonnable et courageux » par le chef du gouvernement Giuseppe Conte, a été vivement dénoncé par les autres forces politiques du pays.

Le gouvernement expose « le pays à des risques incroyables en portant le rapport déficit/PIB au-delà de 2%. Tout cela pour financer un programme d’assistance: et maintenant l’Italie voit le gouffre », a fustigé une dirigeante de Forza Italia (le parti de Silvio Berlusconi), Mariastella Gelmini.

Même stupéfaction du côté du directeur de l’Observatoire des comptes publics de l’Université Cattolica et ancien responsable du Fonds monétaire international (FMI), Carlo Cottarelli, qui estime qu’avec un tel niveau de déficit, les finances publiques italiennes vont « s’affaiblir » puisque l’Etat va financer les réformes « non avec des impôts, mais en empruntant » encore.

– ‘Plus qu’un défi’ –

Or, l’Italie ploie déjà sous une dette de 2.300 milliards d’euros, ce qui représente quelque 131% de son PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.

Dans ce contexte, obtenir le feu vert de la Commission européenne, qui pestait déjà à chaque budget italien, malgré des circonstances atténuantes (immigration et tremblements de terre notamment) « sera plus qu’un défi », a souligné Jack Allen, analyste à Capital Economics, jugeant « peu probable » qu’elle le fasse.

Le commissaire européen Pierre Moscovici a d’ores et déjà estimé vendredi matin que le budget italien paraissait « hors des clous » des règles européennes.

M. Moscovici a qualifié « d’explosive » la dette publique italienne et estimé que les règles de la zone euro « doivent être respectées ».

« Les sanctions sont théoriquement possibles, car elles sont prévues par les traités. (Mais) je ne suis pas dans l’esprit des sanctions », a-t-il assuré.

Rome risque par ailleurs une nouvelle flambée du « spread », l’écart très surveillé entre les taux d’emprunt italien et allemand, qui avait dépassé 300 points en mai en raison d’inquiétudes sur la politique à venir.

Vers 08H45 (06H45 GMT) vendredi, le taux d’emprunt italien à dix ans a progressé à 3,084% contre 2,888% jeudi à la fin de la séance sur le marché secondaire, portant le « spread » à 260 points.

Or, plus les taux grimpent, plus le coût de remboursement augmente pour l’Etat, ce qui réduit ses marges de manœuvre financières.

M. Allen estime que le taux à dix ans pourrait atteindre 3,5% d’ici la fin de l’année, engendrant « des préoccupations sur la soutenabilité de la dette ».

Interrogé sur d’éventuelles réactions négatives sur les marchés, M. Di Maio, qui est aussi ministre du Développement économique, a assuré que le chiffre de 2,4% était public « depuis plusieurs jours ».

« Nous expliquerons aux marchés qu’il y aura tellement d’investissements en plus et que nous pourrons ainsi faire croître l’économie comme nous le voulons », a-t-il dit.

Avec des sondages en baisse, c’était le M5S qui avait le plus à perdre en cas de renoncement.

La Ligue, portée par les discours anti-immigration et sécuritaires de M. Salvini, ne cesse, elle, de grimper. C’est désormais le premier parti du pays avec quelque 32% des intentions de vote contre 17% en mars.

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