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L’opposition guinéenne veut boycotter et empêcher les législatives de février

L'opposition guinéenne a durci le ton lundi en annonçant qu'elle boycottera les législatives du 16 février, et même qu'elle "empêchera"…

L’opposition guinéenne a durci le ton lundi en annonçant qu’elle boycottera les législatives du 16 février, et même qu’elle « empêchera » leur tenue, dans un pays en proie à des violences meurtrières en raison de l’intention prêtée au chef de l’Etat Alpha Condé de briguer un troisième mandat en 2020.

« Nous avons décidé que nous ne pouvons pas participer. Il ne s’agit pas de boycotter et de rester les bras croisés. Nous allons empêcher que ces élections aient lieu », a lancé devant la presse le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, à l’issue d’une réunion des dirigeants d’une vingtaine de partis.

Dénonçant une « mascarade électorale », M. Diallo a justifié cette décision par des divergences avec le pouvoir, notamment sur la révision du fichier électoral. « Il y a eu un enrôlement massif des mineurs », tandis que « des gens qui en ont le droit n’ont pas été autorisés à s’enrôler », a-t-il affirmé. « Nous ne pouvons pas accepter qu’une élection basée sur ce fichier soit organisée ».

L’opposition juge que ces législatives, reportées à plusieurs reprises, serviraient, si elles sont organisées dans ces conditions, le projet attribué au président Condé de briguer fin 2020 sa propre succession.

Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, a confirmé la semaine dernière ce que tout le monde attendait depuis des mois. Il compte soumettre aux Guinéens un projet de nouvelle Constitution, a priori par référendum, à une date qu’il n’a pas précisée.

– ‘Coup d’Etat constitutionnel’ –

Cette éventualité fait pourtant descendre les Guinéens par dizaines ou centaines de milliers dans la rue quasiment toutes les semaines depuis deux mois.

Une nouvelle grande manifestation est prévue jeudi, à l’appel du Front national de défense de la Constitution (FNDC), le collectif qui orchestre depuis mi-octobre la mobilisation.

Pour l’opposition, qui crie au « coup d’Etat constitutionnel », il ne fait aucun doute qu’à 81 ans, M. Condé, à l’exemple d’autres leaders africains, cherche à créer les conditions pour se représenter à l’expiration de son mandat à la tête de ce petit pays de 13 millions d’habitants, pauvre malgré d’importantes ressources minières.

« Nous avons pris une importante décision aujourd’hui qui va consister à ne plus (entrer en compétition) avec (le président) Alpha Condé tant que les conditions d’une élection libre et transparente ne sont pas réunies », a expliqué lundi à l’AFP un responsable de l’opposition, Etienne Soropogui.

La contestation, durement réprimée à plusieurs reprises, a causé la mort d’au moins vingt civils et un gendarme. Des centaines de personnes ont été arrêtées. Les défenseurs des droits de l’homme dénoncent l’usage excessif de la force, des arrestations arbitraires et l’impunité des forces de sécurité.

– Compteurs à zéro? –

Le projet de Constitution « fera l’objet d’une large vulgarisation avant son adoption par le peuple souverain », a assuré le président guinéen la semaine dernière.

L’article 40 du texte stipule que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, renouvelable une fois ». Le mandat présidentiel est actuellement de cinq ans, renouvelable une fois également.

Seulement, dit l’opposition, cette nouvelle Constitution ne contrarierait pas les desseins de M. Condé. Au contraire, elle remettrait les compteurs à zéro, lui permettant de se représenter.

Opposant historique qui connut l’exil et la prison, M. Condé a été le premier président de la Guinée démocratiquement élu. Son avènement a marqué l’instauration d’un gouvernement civil après des décennies de régimes autoritaires et militaires.

Mais après une évolution encourageante, les défenseurs des droits rapportent une régression ces derniers mois. L’opposition dénonce une dérive « dictatoriale » de M. Condé.

Les organisations africaines et la communauté internationale redoutent l’escalade dans un pays à l’histoire tourmentée, coutumier des manifestations et des répressions brutales. Les pressions internationales ont semblé ne pas avoir de prise sur M. Condé.

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