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L’ouverture de la route du Nord de l’Arctique bouscule le fret mondial

C'est une conséquence de la fonte des glaces qui pourrait à long terme révolutionner le fret mondial: parti en août…

C’est une conséquence de la fonte des glaces qui pourrait à long terme révolutionner le fret mondial: parti en août de l’Extrême orient russe, un porte-conteneurs brise-glace danois est arrivé jeudi au large de Saint-Pétersbourg après avoir franchi l’Arctique par le Nord, du jamais vu pour un navire de cette taille.

Praticable auparavant seulement quelques semaines par an et pour des bateaux de taille plus modeste que ce géant des mers, cette route surnommée « passage du nord-est », qui longe les côtes septentrionales de la Sibérie, devient accessible de plus en plus longtemps en raison du réchauffement climatique.

Si à court terme cet itinéraire reste difficile et coûteux à exploiter, la Russie mise sur le développement de ce raccourci maritime, qui permet aux navires de gagner jusqu’à 15 jours par rapport à la voie classique passant par le canal de Suez.

Le navire flambant neuf Venta, du géant danois du fret Maersk, et long de 200 mètres, transporte près de 3.600 conteneurs. Il est conçu pour opérer par des températures atteignant -25 degrés Celsius.

Parti le 23 août de Vladivostok (Extrême-Orient), le porte-conteneurs a effectué la route arctique en cinq semaines. Il a fait escale à Busan en Corée du Sud avant de s’élancer via le détroit de Béring jusqu’à Bremerhaven, en Allemagne avant d’arriver jeudi au large de Saint-Pétersbourg, où il stationnait en attendant que le vent se calme pour pouvoir entrer dans le port.

Chargé de poisson gelé russe et de composants électroniques coréens, le navire a été assisté sur la route par des brise-glace nucléaires.

Jusqu’à présent, seuls des navires de moindre taille ont parcouru cette route – désormais accessible de juillet à octobre – à l’instar des méthaniers brise-glace nucléaires qui acheminent vers l’Europe et l’Asie le gaz naturel liquéfié (GNL) provenant de la péninsule russe de Yamal, où le russe Novatek et le français Total ont inauguré une gigantesque usine il y a quelques mois.

Pour Maersk, cette traversée constitue un « test unique » permettant « d’étudier la faisabilité du transport maritime de conteneurs par la route maritime du nord et de recueillir des données scientifiques », a précisé à l’AFP la porte-parole de Maersk Janina Von Spalding.

« Actuellement, nous ne considérons pas la route maritime du Nord comme une alternative commerciale à notre réseau existant », a-t-elle assuré car la route n’est praticable que trois mois par an et que l’intervention nécessaire de brise-glace pour ouvrir la voie au porte-conteneur demande un « investissement supplémentaire ».

– Le réchauffement, une « bénédiction » –

Malgré ces réserves, le président russe Vladimir Poutine a appelé début septembre « tous les partenaires intéressés à développer cette route prometteuse ».

Dans son projet de budget 2019-2021, la Russie a par ailleurs prévu d’investir plus de 40 milliards de roubles (516 millions d’euros au taux actuel) dans le développement de cette route avec des infrastructures portuaires et la constructions de brise-glace nucléaires.

En quelques décennies, la calotte glaciaire de l’Arctique a perdu près de la moitié de sa surface.

Rouslan Tankaïev, expert auprès de la Chambre de commerce et de l’Union des producteurs d’hydrocarbures de Russie, estime que d’ici à 2050, « la route sera praticable toute l’année », une « bénédiction » pour des pays comme la Russie ou le Canada.

Selon lui, cet itinéraire peut réduire le trajet de plusieurs milliers de kilomètres par rapport au Canal de Suez, mais est aussi « beaucoup plus sûr » vu les risques de piraterie.

Selon M. Tankaïev, les volumes de transport par l’Arctique augmenteront « très rapidement »: « L’année dernière, le trafic était de 7,5 millions de tonnes. Dans les années à venir, il est prévu de le porter à 40 millions ».

Cette ruée inquiète les associations de protection de l’environnement, qui craignent des marées noires menaçant un écosystème relativement préservé.

« Il est important de savoir quel type de carburant sera utilisé », affirme Rachid Alimov, de Greenpeace, indiquant que le mazout serait particulièrement dangereux. En cas d’accident, « il n’y aurait quasiment aucune infrastructure pour éliminer les conséquences et par temps froid, le pétrole reste plus longtemps dans l’environnement ».

Une démocratisation de cette route aurait pour conséquence une intensification de l’exploitation des hydrocarbures dans l’Arctique.

La Russie ferait mieux de « d’utiliser des ressources pour développer des sources sur les sources d’énergie nouvelles et prometteuses », estime M. Alimov, afin de « ne pas se laisser distancer » en matière d’énergies renouvelables.

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