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L’UE prête à retarder le Brexit, mais pas à n’importe quel prix

Face au spectre d'un Brexit chaotique, l'UE est prête à donner son feu vert à un report du départ britannique.…

Face au spectre d’un Brexit chaotique, l’UE est prête à donner son feu vert à un report du départ britannique. Mais elle ne le fera qu’avec de solides garanties de la part de Londres, préviennent des diplomates européens.

Le scénario est de plus en plus discuté à Bruxelles, à mesure qu’approche le 29 mars 2019, la date prévue du retrait du Royaume-Uni. Et que les Britanniques n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur le type de divorce qu’ils pourraient accepter.

L’UE réfléchirait désormais à un report de plusieurs mois, et non plus seulement de quelques semaines, affirment même des médias britanniques. Des « spéculations », balayent des sources diplomatiques interrogées par l’AFP, jugeant « prématuré » tout débat sur la durée d’un report.

« Il y a beaucoup d’idées qui circulent, et je suis sûr que c’est l’une d’entre elles », mais encore faut-il que Londres demande quelque chose pour pouvoir en débattre sérieusement, commente une de ces sources.

« Nous avons dit déjà très clairement que nous n’avons pas reçu de demande » de report, a déclaré jeudi le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, interrogé sur le sujet. Si elle était formulée, cette demande devrait être argumentée, puis acceptée à « l’unanimité » par les dirigeants des 27, a-t-il ajouté.

Plusieurs sources diplomatiques ont estimé que les Européens donneraient sans doute leur feu vert pour éviter un divorce sans accord, considéré comme le pire des scénarios. Mais qu’ils ne le feraient pas de gaieté de coeur et poseraient des conditions.

– Casse-tête –

« Ce n’est pas si simple de donner plus de temps », souligne un responsable européen, faisant valoir que ce scénario prolongerait encore l’incertitude. « Les entreprises et les citoyens veulent savoir si le Royaume-Uni reste ou pas », ajoute-t-il.

Une extension de « l’article 50 », cette disposition des traités déclenchée par Londres pour quitter l’UE, « est censée permettre de finaliser des procédures, comme une ratification, mais pas donner plus de temps au Royaume-Uni « pour se mettre d’accord », prévient cette source.

Sous-entendu: l’UE n’accordera ce report qu’avec la garantie que le Royaume-Uni a réussi à s’unir derrière une position ferme, qui permettrait de finaliser ensuite un accord rapidement.

« S’ils nous disent que c’est pour organiser de nouvelles élections ou un nouveau référendum, cela ferait partie des motifs acceptables », ajoute un diplomate, « mais il faut que ce soit court, pas plus de quelques semaines ».

Beaucoup soulignent en effet côté européen le casse-tête juridique qui se présenterait si le Royaume-Uni était encore un Etat membre au moment des élections européennes prévues à la fin mai. Londres serait « dans l’obligation d’organiser des élections », affirme un responsable européen.

Et le Royaume-Uni « pourrait avoir des députés européens pour une période provisoire », jusqu’à leur départ, commente un diplomate perplexe.

– Un problème « surmontable » –

Quant aux 27 des 73 sièges britanniques que l’UE s’est mise d’accord pour répartir entre plusieurs pays dont la France après le Brexit, leurs nouveaux titulaires élus « devraient attendre le départ britannique pour les occuper », ajoute-t-il.

Un diplomate confie même craindre que Londres ne profite de la fragilité juridique de cette situation inédite pour « prendre en otage le processus législatif » européen, afin d’obtenir de nouvelles concessions.

« Ce qui est réaliste, c’est une prolongation maximale jusqu’à la session constitutive du parlement européen, début juillet », selon un autre diplomate. Cela écarterait le scénario de nouveaux eurodéputés britanniques siégeant à Strasbourg.

Cette hypothèse d’un Royaume-Uni encore dans l’UE au moment des européennes « sera bien sûr un problème, mais il peut être surmonté », nuance de son côté Pierre Vimont, ancien numéro deux de la diplomatie européenne, aujourd’hui chercheur associé au centre de réflexion Carnegie Europe.

« Et ces élections en Grande-Bretagne pourraient même être l’occasion de connaître l’état d’esprit des citoyens britanniques », ajoute-t-il.

Quoi qu’il en soit, la position officielle du gouvernement britannique reste pour l’heure qu’il ne veut aucun retard du Brexit. « Ce n’est pas un sujet que nous avons discuté avec l’UE », a assuré un porte-parole de Theresa May jeudi, « parce que nous ne voulons pas le faire ».

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